14 juillet 2014

Kritika=Voyage De La Grèce=, par F. C. H. L. Pouqueville

Voyage De La Grèce, par F. C. H. L. Pouqueville

Journal des Savant ; septembre 1828, pag. 543).

Nous avons laissé notre voyageur au milieu de la description de la partie septentrionale de l'Épire. Le 3-e livre contient 9 chapitres qui concernent la contrée comprise entre l'Aoiis et l'embouchure du Drin, contrée également à peu près inconnue avant M. Pouqueville. En décrivant l'aspect et l'état du pays, il cherche à y rattacher les rares données qui sont fournies par les anciens, et notamment par Polybe, Tite-Live et Plutarque. En descendant l'Aoùs, le Voïoussa moderne, il trouve la bourgade de Mézareth ou Sésareth, qu'il croit être le Sesarethos d'Etienne de Byzance, et qu'il distingue peut-être avec raison de la Dassarétis de Polybe. Son observation sur un passage où Plutarque (i) a confondu l'Apsus avec' l'Aoùs , est très-bonne; mais on la trouve déjà dans Paulmier (a). Il remarque aussi qu'on a eu tort de traduire ai ntpl Tôv A^ov iu.€û.a\, par ostium Apsi ; ce mot signifie en cet endroit confinent de rivières qui se rendent dans l'Apsus. Tout ce que dit notre voyageur pour expliquer la relation de Titc-Live sur la campagne de F. Quintius Flamininus contre Philippe, mérite l'attention du géographe, et est au nombre des bons morceaux de l'ouvrage.

Nous élèverons des doutes sur un fait qui intéresse la numismatique. « Je trouvai, dit M. Pouqueville, à acheter à Premiti un médaillon romain qui se trouve, je crois, décrit clans l'Encyclopédie (3). Bronze. Tète de Néron à gauche. B. dans une couronne de chêne, Exvi.es. Romae. Kkdditi. Cette médaille est regardée comme fausse. Les archéologistes, qui ont tics yeux de lynx, l'ont ainsi décidé, et nous souscrirons à leur jugement ( pag. 271 ). » Tous ces caractères sont inexacts et incomplets. La médaille, après l'exergue cité, porte encore s. p. Q. R., qui fait la grande difficulté; la face est celle de Nerva ( et non pas de Néron ) avec les lettres Imp. Nerva. Cars. Aug. P. M. Tr. P. cos. C'est ainsi que la cite Tristan (1), la seule autorité sur laquelle reposait jusqu'ici l'existence de cette médaille; car personne ne l'avait encore vue. Voilà maintenant M. Pouqueville qui affirme en avoir acheté un exemplaire dans un lieu reculé de l'Ulyrie. Or, comme les fabricans de médailles ne les portent ou ne les envoient que là où ils savent qu'il y aura des amateurs à duper, il devient bien difficile de concevoir comment une médaille fausse se sera trouvée dans une contrée que les voyageurs ne visitent presque jamais. La circonstance seule du lieu où M. Pouqueville dit l'avoir acbetée serait donc un indice à peu près certain d'authenticité; et cependant la fausseté de la médaille ressort évidemment du simple énoncé de ses caractères. J'en conclus que notre voyageur a fait ici quelque méprise. Je ne doute pas qu'il n'ait acheté une médaille à Premiti, puisqu'il l'assure ; mais cette médaille n'est certainement pascelle qu'il a décrite d'une manière d'ailleurs si incomplète et si inexacte. J'attends , pour changer d'avis, que j'aie vu l'exemplaire dont il dit avoir fait l'acquisition.

Dans les chapitres v et vi, est décrite la région des monts Acro-Cérauniens, appelée maintenant Japouric, jusqu'ici à peu près inconnue aux voyageurs. M. Pouqueville commence par des considérations de géographie ancienne ; il croit, par exemple, que YAornds et les Cimmériens d'Homère y étaient placés. Sur cela il n'y a point d'observations sérieuses à faire, puisqu'on ne saura jamais avec certitude où habitaient les Cimmériens d'Homère. Seulement, M. Pouqueville n'aurait pas dû parler de Y Annie d'Homère, attendu que ce poète ne prononce pas mémo le nom à'Aornc. Notre voyageur croit aussi avoir retrouvé le port où César aborda pour aller combattre Pompée; la rade de Daorso qui rappelle avec raison les Daorsi, peuple illyrien qui ne nous est connu que par les médailles. Le port Raguseo, dans le golfe de la Vallone formé par le prolongement des Acro-Cérauniens, paraît être l'ancienne Oricum. Selon M. Pouqueville, c'est un mouillage vaste et commode, et le seul port de guerre de l'Adriatique depuis Caltaro.

Un peu au nord est l'embouchure de l'Aoùs; non loin se trouvait l'ancienne Apollonie : la source de poix fossile, dont parlent les anciens, existe encore et continue d'être exploitée ; le docteur Holland en a donné une description que M. Pouqueville reproduit. De l'autre côté de l'Aoùs, près de l'endroit appelé Gradùta, il découvrit les ruines d'une ville antique dont l'enceinte est en construction cyclopéenne, et tout près, sur un rocher, uue inscription latine, malheureusement trop fruste, qui contient le nom de Byllis ; il en.conclut que cette ville de l'Illyrie était située en cet endroit. Dans cette inscription, qu'il n'est pas impossible de rétablir ea grande partie, il est question de travaux exécutés pour rendre une voie publique praticable aux voitures ( ut vehiculis commeetur ). « Consultez, ditl'auteur, au sujet de cette inscription, les itinéraires qui aboutissaient au pont de Trajan sur le Dar nube. » Je crois devoir avertir le lecteur que ces itinéraires ne lui apprendront rien à ce sujet.

Sur les bords du golfe de la Vallone, M. Pouqueville reconnaît, dans la citadelle de Canina, l'ancienne ville d'OEnus. Vallone, qui donne son nom au golfe, est l'ancienne Aulon, située au milieu d'une contrée fertile. De là notre voyageur, négligeant un peu la méthode géographique, repasse encore l'Aoua, pour nous ramener aux ruines d'Apollonie, ville située où se trouve maintenant le monastère do Pollini, et dont il ne reste plus, selon lui, que quelques fragmens de colonnes , de chapiteaux et de frises ; cité, dit-il, toute entière effacée du livre de We(pag. 355). A propos des hordes de Bohémiens qui campent dans ce canton, il fait sur l'origine des Bohémiens une excur»sion inutile. Ses lecteurs l'auraient sans doute dispensé volontiers de leur apprendre, par exemple ( pag. 362, 364 ), que les Bohémiens sont contemporains des premières sociétés ; que,r«tés informes, comme les hordes que la civilisation n 'a pas policées, on les retrouve magiciens ou aimés sur les bords du Nil, jongleurs ou bayadères dans la presqu'île du Gange. Ils auront quelque peine à croire aussi que ces Bohémiens soient les mêmes qu'Apulée appelle les oracles de la grande religion, attendu qu'Apulée (i) désigne par lés mots magnœ rcligionis terrcna sidera ( les astres et nonles oracles), la partie brillante du cortège dans la grande fête d'Isis, ce qui ne paraît pas avoir beaucoup de rapport avec les Bohémiens. Ailleurs, M. Pouqueville oublie que les Bohémiens sont contemporains des premières sociétés; il les déclare d'origine égyptienne, « par la raison, dit-il, que, selon les Albanais, ils mangeaient leurs camarades tués par les Souliotes: or, cette épouvantable coutume de manger les hommes existait chez les Égyptiens, d'après Juvénal (Tom. II, pag. 148, n° 1 ). » Voilà une singulière application de la mordante hyperbole du satirique latin, Nef as illicfeturn jugulare capellœ, carnibus humanis vesci licct(i).

Dans les deux chapitres suivans, l'auteur continue la description de cette partie de l'Illyrie, et remonte jusqu'à Durazzo, l'ancienne Epidaurion Dyrrhachiurn. Il convient que, placé dans l'Épire à l'époque où la guerre divisait les pachas de Bérat et de Janina, il n'a poussé que des reconnaissances vers cette région mhospitalière ( pag. 379 ) : ce qu'il en rapporte est donc le résultat de quelques renseignemens qui lui ont été communiqués par des hommes instruits.il croit que le Musaché, selon lui l'ancienne Taulantie, où se trouve la ville de Voscopolis, siège de l'évêque de Bérat, a pris son nom des Mosches, peupladepélasgique (pag. ). Nous aurions desiré qu'il eût dit où il a pris ce fait; car nous n'avons pu découvrir dans l'antiquité un seul mot sur l'existence de ce peuple épirote, et, conséquemment, sur son origine prétendue pélasgique.

Après avoir ainsi poussé des reconnaissances jusqu'à Scodra, loin au nord des frontières de l'Épire, M. Pouqueville revient sur ses pas pour achever la description de ce pays. C'est le sujet du 4e livre, divisé en 8 chapitres et contenant 18o p. Il commence par la description détaillée de la ville et du vallon à'Argyro Castro, dont l'évêque prend le titre à'évéque de Drynopolis. Notre voyageur s'autorise de cette seconde dénomination pour placer dans cette vallée la Dryopie des anciens , celle du moins qu'ils ont attribuée au voisinage de l'Épire; car il y en avait une autre en Thessalie. La situation de la première ne nous est connue que par un passage de Dicéarque (a), qui nous apprend que tout le pays d'Ambracie portait ce nom ; et cela est confirmé par Antoninus Libcralis (i) et par Pline,qui, dans une énumeration, met les Dryopes à côté des Cassiopœi. A ces autorités, d'où il résulte que la Dryopie devait occuper la partie septentrionale de l'Ambracie, il faudrait pouvoir opposer autre chose qu'une simple homonymie.

Le second chapitre traite du sangiacat de Delvino, qui répond à l'ancienne Chaouie, une des parties les plus importantes de l'Épire. Entre autres détails curieux que l'auteur donne sur ce canton, ou doit remarquer ce qu'il dit de la situation de Phœnice, ville dont parlent Polvbe, Strabon et Procope, et dont il a retrouvé les ruines considérables qui portent encore le nom de Plieniki. En revenant de ce lieu vers la mer, près de Neochorion, jaillit une source d'eau salée nommée Armyros (a), « désignée, dit M. Pouqueville, d'une manière si particulière pai Aristote, dans sa Météorologie, qu'on ne peut la méconnaître. » Les habitans n'en tirent aucun parti, le voisinage do la mer leur fournissant les moyens d'avoir du sel à vil prix. Aristote parle de la quantité de sel qu'on obtient en faisant bouillir l'eau de cette fontaine, qu'il caractérise ainsi : év n yàp if Xacvîa xjiivr, Ti; iant ûcfaïc; wXïTuWpsu.... M. Pouqueville dit: « EnChaonie, il existe une source coulante ( c'est ainsi que je traduis TCXarurépou )... (3). » On ne se figure pas trop bien ce que serait une source non coulante. Le fait est que itX*To Ha? ne veut rien dire autre chose que eau saumdtre, eau salée, sur quoi l'on peut voir Casaubon dans son commentaire d'Athénée (4), et les annotateurs d'Hérodote (5).

Après la description de Buthrotum, que M. Pouqueville considère avec raison comme une des plus anciennes villes d'Epire, il passe à celle du bassin de la Tbyamis ou Calamasqui prend sa source non loin de Janina. Il la commence par la partie supérieure du cours où se trouve le canton de Delvinaki.

Notre voyageur continue à faire ses efforts pour appliquer les noms anciens aux ruines qu'il découvre; mais l'insuffisance des données des auteurs classiques rend cette tâche souvent fort difficile. Une ruine cyclopéenne, au sud du lac de Janina, est attribuée par lui à l'ancienne Passaron, qui a joué un rôle dans la guerre de Persée; il ne veut pas que ce soit Cassiope (i), comme d'autres l'ont cru ; mais la position de toutes les deux étant également incertaine, ces ruines peuvent appartenir à l'une aussi bien qu'à l'autre, ou n'appartenir à aucune des deux. Il en faut dire autant de Tymphe ou Tymphya, dont il me paraît impossible de dire autre chose, d'après les passages cités par Paulmiet' et reproduits par M. Pouqucville, sinon qu'elle étaitsituée en Épire. Notre voyageur, toujours un peu pressé de donner un nom ancien à toutes les ruines qu'il rencontre, a cru trouver dans ce canton les acropoles pélasgiques des villes de Melia, de Cimolia et de Samia, qui n'ont jamais existé ( Tout. II, 89-98). Son erreur vient d'un passage qu'il a copié dans Paulmier de Grentemesnil, où Théophraste parle de 4 espèces de terres fort utiles, savoir : la mélienne, la cimolienne, la samienne et la tymphoïque : ai <S aÙToœUEÎ;, xal âfi» Tw TrepiTTÛ To ^prisipov ïyovani jr«iïov Tpeï; eîatv r\ TSTTotpêç fi Ts (AViXiàç, xat -h KijAMXta xa'i ri ïajiia, xoù ii Tu(jiçaïxîi TtTapTD.... (2); c'est des mots Melia, Cimolia et Samia ( espèces de terre qu'on trouvait dans les îles de Melos, Cimolos et Samos ), que notre voyageur a fait 3 villes ; ce qui est d'autant plus singulier, que, dans sa note ( page 89 ), il redit les paroles de Paulmier: Theophr. loquitm delapidibus. Notre remarque n'est pas inutile, puisque déjà ces 3 cités imaginaires figurent sur les cartes de Grèce composées d'après ce voyage.

Après avoir décrit le bassin de la Thyamis,le voyageur passe au pays situé entre ce fleuve et l'Achéron, appelé maintenant Chamouri, dont le chef-lieu est Paramythia. C'est la Cestrine des anciens. « Il est probable, dit M. Pouqueville, que du nom de Cestrine.... le mélange ou la corruption des idiomes formèrent ceux de Zamouri ou Chamouri, » Je crois au contraire Jorlpeu. probable que le mot Chamouri vienne de Cestrine, qui n'v ressemble guère. Ce nom est évidemment corrompu de celui de Chimerium, promontoire très-remarquable de cette côte, et qui, attirant plus que tout autre point l'attention des marins, a dû finir par donner son nom au pays.

Le canton de Paramythia est un des plus intéressans de l'Épire; on y découvre souvent des antiquités très-précieuses, et c'est là qu'ont été trouvés les beaux bronzes qui avaient passé dans la collection de Paync Knight. Ephyrcou Cichyre, capitale de la Thesprotic, y était située: là se trouvaient le marais Acherusia et le fleuve Arhéron; la, disait la tradition, avait régné Aïdoneus avec sa femme Proserpine. Il n'est pas douteux, en conséquence, que tout ce canton ne fût consacré au dieu des enfers. Il est un peu moins sur que ce canton fût appelé autrefois Aïdonie, comme le dit M. Pouqueville, et que ses habitans fussenldes CelU,s>Jïelonitcs(pntf.,p. xxi),nom qu'il formedu mot Ai'^iWj;, surnom de Pluton. Selon lui, les anci«ns divisaient la Thesprotic en Ctttrine et en Aïdonie (Tom. II, p. 9i). J'ignore où il a pris ce fait; car le nom géographique d''Aïdonie n'existe nulle part dans l'antiquité. Si je ne me trompe, c'est encore là une dénomination ancienne qu'il a faite avec un nom moderne. Il se fonde sur ce que ce territoire est inscrit, dans les archives de Constantinople, sous le nom de Villaieti ( ou canton) à'Aïdoni ( Tom. II, p. i3a ), ce qui ne prouve rien; car il se trouve, dans le même canton, un célèbre couvent appelé Aldonati, nom qui, selon la remarque de M. Pouqueville lui-même, loin d'avoir rapport avec Aî^u/eù;, ne désigne que St.-Donat ( Ayio; Aovoctoç ), patron à la fois et du couvent et de Paramythia, qui est appelé, dans Cantacuzène, chdteau de Saint-Donat: la légende de ce saint est populaire dans tout le pays. Evidemment le nom à'Aïdoni <le la chancellerie de Constantinople n'a pas d'autre origine, et c'est peine perdue que d'y chercher la trace d'une dénomination antique dont personne n'a jamais parlé, le seul nom classique de la prétendue Aïdonie serait Elœatis, canton de Thesprotic que Thucydide (i) place à l'embouchure de l'Achéron. Le voyageur a, dit-il, trouvé, dans ce canton, une curieuse médaille, jusqu'à présent unique (2), représentant d'un côté (2) Maintenant an cabinet du Roi, publiée par M. Mionnet.

 Depuis que cet article acte publié dans le Journal des Strant,td. de Brocndsted m'a communiqué uns médaille qui confirme mes remarques. Cette médaille , achetée à Patras , est de brome, comme celle dn cabinet du Roi,  en tout semblable, excepté que la tête est barbue. L'A le lit au-dessous de Cerbère: mais au-dessus sont les lettres fort distinctes.
Cerbère, de l'autre une tète imberbe, avec une. couronne qu'il croit être de pavots, mais dont j'avoue n'avoir pu distinguer la nature. Il pense que cette tète est celle de Pluton, appelé Aïdoneus, ce qui est douteux. Il l'est bien davantage que l'A, qui se voit sur la médaille , soit l'initiale du nom Aïdonie ; un tel monogramme peut signifier autre chose, et sa présence ne saurait suffire pour autoriser à créer le nom d'un pays. Celui à'Aïdonie doit être effacé de la carte de la Grèce.

Les 2 derniers chapitres de ce livre sont consacrés à la description du reste de l'Épire, jusqu'à l'embouchure de l'Achéron; un morceau géographique sur Parga le termine.
Dans le 5-e livre, qui a i5o pages et est divisé en 5 chapitres, le voyageur décrit le reste de la côte et les bords du golfe d'Ambracie.

La Cassiopée occupait le littoral jusqu'à la presqu'île de Jficopolis : le chef-lieu du même nom paraît avoir été situé sur l'emplacement de Regniassa, lieu de la côte où M. Pouqueville a trouvé une enceinte en bâtisse dite eyelopéenne, et des ruines d'édifices, entre autres une porte dont la voûte est d'une construction tout à fait remarquable. A Nicopolis, dont il donne une description détaillée, il a trouvé plusieurs fragmens d'inscriptions de peu d'intérêt : l'un donne le commencement de deux vers d'une épitaphe, qui rappellent l'usage antique de couper sa chevelure sur la tombe d'un parent ou d'un ami ( Aï S'i-Ki T6jxë<o... Kt!f*vTo 5vxok«(iov... ); trois autres appartiennent à des inscriptions tumulaires; la quatrième est une dédicace eni l'honneur d'Auguste. Un morceau sur Prévésa termine ce chapitre.

Le suivant traite du pays de Souli, situé dans les montagnes du bassin de l'Achéron : le voyageur donne de longs détails sur
qui ne peuvent être que «KlKAIfîN pour Ouxïmv, on uxati'm, qui est l'ethnique île la ville de Phocée. L'ethnique des Phocidiens est tar.iii, qui a été attribué anssi quelquefois aux habitans de Phocée. ( Thucyd. VI, 2. —Conf. Spanh. ad Callim. Pallad. 2/,, in Addend.) On est sûr, par l'exemple des Latins, que les deux ethniques,d'ailleurs si semblables , ont été confondus. I1 ne serait donc pas impossible que la médaille appartint aux Phocidiens. Quoiqu'il en soit, elle n'a certainement rien de commun avec la prétendue Aïdonie ; c'est le seul point qui m'importe en ce moment.

les mœurs et le caractère de la population si remarquable qui l'habite et les malheurs qui l'ont accablée. La ressemblance de ce nom lui fait croire que ce pays est la Selléide des anciens. Mais ceux-ci ne parlent jamais d'une Selléide ; et les Selles ou Belles habitaient dans les environs de Dodonc, qui est loin du pays de Smili. D'ailleurs les Souliotes conviennent qu'ils sont étrangers à ce canton, et qu'ils n'y sont établis que depuis cent quarante ans. Ils ne peuvent dire d'où ils viennent, ni quelle circonstance les a amenés dans les montagnes. Tout ce qu'on sait, c'est qu'ils sont une peuplade épirote. Comme Etienne de Byzancc parle d'une tribu de Sylioncs en Chaonie, sans en déterminer autrement la position, l'identité de nom me fait présumer que c'est un reste de cette peuplade, qui, à la suite de quelque guerre, se sera réfugié dans ces montagnes. Je n'hésiterais pas encore cette fois à effacer de la carte le nom ancien de Selléide.

Dans les 3 chapitres 'suivans, M. Pouqueville traite de tout le reste du pays jusqu'au golfe d'Ambracie, comprenant l'Ambracie, l'Athamanie et l'Amphilochie des anciens : son opinion sur la position d'Ambracie, d'Argithea et d'Argos Amphilochichum, sur le cours des fleuves Arachthus et Inachus, changent la face de la géographie ancienne de cette région. Mais il y a beaucoup d'objections à faire à cette opinion, qui, en plusieurs points importans, contrarie les témoignages de l'antiquité, comme l'a déjà montré M. Kruse, dans le second volume de son Hellas (1). Les discussions sur ce sujet tiennent cent pages environ : le quart aurait suffi pour dire l'essentiel et le bien dire; l'auteur aurait de plus évité ici, comme ailleurs, l'occasion d'une grande quantité d'erreurs, soit dans les faits, soit dans les citations. Par exemple, Ambracie n'a pas été fondée par Am~ bracus (p. il\i), mais par Ambrax; Âuëpaxo;, dans l'auteur cité, étant un génitif, non pas un nominatif. Cette ville n'était pas tombée sous le pouvoir d'un des sept sages trop vantés de la Grèce fpag. 2/|3), parce que le Pcriandre dont parle Aristote (a) n'est pas celui qu'on avait mis au nombre des sept sages (3). « Thucydide, dit M. Pouqueville, rapporte que les Epirotes appri« rent la langue grecque des Ambraciotes leurs voisins (p. a68j. « L'historien grec ne parle point des Épîrotes, mais seulement des habitans d'Argos Amphilochicum (1), et tous les développemens qu'ajoute ici l'auteur tombent par le fait. Il regrette que le temps ne lui ait pas permis de chercher, à l'embouchure de l'Aréthon, « les fondemcns du fort Paralià, du haut duquel « Cléombrote, après avoir lu le Phédon, se jeta dans la mer « (pag. 258). » Selon toute apparence, il aurait cherché longtemps avant de le découvrir; car aucun des auteurs anciens (a) qui rapportent ce fait, ne dit de quel endroit Cléombrote s'est précipité dans la mer, et je ne trouve nulle part mentionné un fort appelé Paralia. M. Pouquevillc assure pourtant l'avoir vu dans Aristote (de Rep. lib. xxxvm, chap. 1o); mais la République d'Aristote n'a que huit livres, et il ne s'y trouve rieu de relatif ni à Cléombrote, ni au lieu d'où il s'est précipité, Nous avouons ne pouvoir deviner d'où M. Pouquevillc a tiré cela. Il nous renvoie ailleurs (pag. 255) au xi.ie livre de Théopompe, et nous aurions été bien heureux d'être en état de vérifier cette fois la citation. Ayant trouvé un pont sur l'Inachus, il croit que c'est le môme que Pline, par erreur, a placé sur l"Achéron (pag. 283). Avant d'imputer cette faute à Pline, il aurait dû faire attention que, comme l'arche du milieu de ce pent presente une og'r.e remarquable, selon ses termes, ce ne peut être un pont antique, et conséqucnnnent celui dont Pline a parlé. Dans sa description de l'Athamanie, il nous dit : « L'Athamanie, « dont il est ici question, n'est pas celle qu'Homère (Iliad., liv. n) n place dans la région du mont Ossa (pag. 291). » Mais Homère ne prononce pas même le nom à!Athamanie ou d'Athamaaes, ni au second livre, ni en aucun lieu de ses poèmes : il faut en dire autant des Molosses, à l'occasion desquels M. Pouqueville renvoie encore à Homère (Od. xiv, 315), qui ne parle jamais de ce peuple, etc.

Lu 6e livre, comprenant G chapitres et i3o payes, complète la description de l'Épire. Il traite de la partie orientale, appelée maintenant Anovlachie, que M. Pouqueville attribue à la Dolopie des anciens : c'est proprement le bassin supérieur de l'Achéloùs, jusqu'aux sommets du Pinde, qui séparait la Dolopie de laPerrhébie. L'auteur donne quelques détails sur la population valaque qui est venue l'habiter, et ensuite sur les Valaques en général. Les anciens ont si peu parlé de ce pavs, que notre voyageur ne trouve presque rien à en dire. Aussi, pour fournir a la matière d'un livre entier, il est obligé de se jeter dans une de ces digressions pittoresques, philosophiques et morales, qui abondent dans son livre et en rendent la lecture quelquefois si fatigante. Les allusions, les citations, les réflexions morales ou politiques qui tombent des nues, au milieu des descriptions de lieux ou des discussions de géographie, les compliquent tellement, que bien souvent on a peine à suivre l'auteur; et c'est avec raison que M. Mannert a dit : « M. Pouqueville, qui ambitionne la ré« putation d'un écrivain fleuri, couvre toute sa route de fleurs, « à travers lesquelles il devient très-diffleile de reconnaître le « sol (i). »

Au milieu des digressions de ce genre qui remplissent les premiers chapitres du livre vi, sont noyées quelques observations intéressantes sur la nature des lieux, sur leur géographie comparative, et les tribus qui habitent cette contrée. Le géographe lira surtout avec intérêt l'excursion (pag. 4o7 suiv.) dans là partie du Pinde appelée Lacmon, d'où sort l'Aoiis. On regrette que l'auteur y ait encore mêlé quelques erreurs. Par exemple, faisant je ne sais quel rapprochement entre le nom ancien Lacmon et le nom moderne Ora (f. Ori) Liaca, il en forme le nom Haliacmonts ou Haliac-monts, qui est absolument imaginaire (ï, »3o, 3o6, 11, 398-4oo, et ailleurs). « C'est sans doute, dit-il, « cette origine qui a fait surnommer l'Inachus Haliacmon, dans « Ortélius. » Il n'a pas remarqué que le passage du faux Plutarque, sur lequel Ortélius s'appuie, ne se rapporte qu'à l'Inachus d'Argolide.

M. Pouqueville dit, dans un endroit : « Je donnai, par une sorte d'inspiration, des noms à tous les lieux qui m'environî naient (m, pag. 516). » Les géographes désireraient qu'il sa (1) Geogr. der Griech. uni Roem. Th. VIII, Vorredii, S. fût plus souvent défié de ses inspirations, ou qu'il les eût soumises à une critique un peu plus exacte. Il est vrai que l'inspiration et la critique ne sont guère compatibles.

Le chapitre v de ce livre, qui contient l'histoire des premiers établissemens des Français en Épire, et des considérations sur le commerce de ce pays ; les chapitres vi et vu , qui traitent des productions du climat de l'Épire, complètent la description de cette partie de la Grèce , que M. Pouqueville connaît mieux et a fait mieux connaître que personne jusqu'ici. C'est aussi ce que nous avons fait voir dans notre analyse : mais nous avons cru devoir y montrer également que, s'il a recueilli des renseignemens utiles à la géographie ancienne de cette contrée, il aurait souvent beaucoup mieux fait de n'en pas entreprendre la discussion : on ne serait pas obligé maintenant d'effacer des cartes de la Grèce les dénominations imaginaires qu'on y a introduites sur son autorité , ou de changer la place de quelques autres dont il a mal établi la position. Ce que nous avons regretté, et toute personne qui connaît la Grèce le regrettera comme nous, c'est que M. Pouqueville ne se soit pas renfermé plus strictement dans son rôle de voyageur, et que, laissant là toute vaine prétention à l'érudition, à l'éloquence, à la philosophie, il ne se soit pas contenté de rapporter simplement les faits qu'un long séjour en Grèce et son talent d'observation lui ont permis de rassembler. Son livre eût été tout-à-la fois plus court et plus utile; et, sans doute, les juges les plus difficiles n'eussent eu que des éloges à lui adresser.

 Il nois resterait à examiner les autres contrées de la Grèce, sur lesquelles notre voyageur a écrit les quatre volumes suivans; mais d'autres travaux obligent de suspendre, pour quelque temps, la suite de cet examen. Nous avons l'espoir qu'il ne sera pas inutile à la géographie ancienne de la Grèce. C'est ce qui nous a donné le courage de l'entreprendre, et nous donnera celui de le continuer, quand il nous sera possible d'y consacrer de nouveau quelques loisirs (i).

*Le cahier de septembre 1828 , à Foreign quarterly Review de Londres, pages 2o1 à 217, contient un examen étendu du voyage de M. Pouqueville, et d'autres ouvrages nouveaux sur la Grèce; l'auteur de l'article reproduit quelques-unes des remarques critiques de M. Letronne , et y en «joute d'autres. (N. d. K. )
6 vol. in-8°. ( 3e et dernier article de M. Letronne)

(1) Kal éXXïivîâr,<i«v... àirô T5v Àftttjaxi6>TÛv ÇuvoixrxjavTuv , it, 68. M. de Pestoret ( Hitt. de la ligisl. via, 389 ) avait cité Gronov. vi, 3438, ce qui veut dire Thes. ont. gracar. Tom. VI, etc., M. Pouqueville croit qu'il «'agit d'un ouvrage de Gronovius, et, en copiant la citation, il ieti\ Gronov. lib. vni, pag. 3438.
(r) Hellas, oder geogr. antiq. Darstellungdes alten Griechenlands , a. •. w. Leipzig, 1837, II Th., a Abth. S. 3o5-3o8. (1) Polit, v, 3, 6, ibiq. Coray. (3) ilenag. ad Laërt. 1, 98.
Celle qui était dans l'intérienr de la Moloiside; car il y en avait Mantre par le bord de la mer. (») De Lapi'd. § 6s , ed. Schh.

G. Tomb X. 28
(1) Vay. Davieî ad Cic, Tutc. ,1,34.
(1) Mctam. 4
(2) C'est util doute une corruption de iXiAupc';, salé.
(3) Meteoi. n, 3 , p. 557 E.
(4) Ad Ath., n, pag. 41. B. ; tom. VI, pag. 189,ed. Sckw.
(5) Ad. 11, 1oS , 4
(1) xv, i3.
(ï) V. 3o, in Creur. Melet. erit. pag. 3o4.
(1) Flamin. § 3.
(a) Exercit. pag. 177.
(3) «l'est dans Eckhell (vt, 411), Rasche (h, 1 col. 84a, 843) et ailleurs.
(1) 1,36o.

Metamorph., zi, pag. a45 ; et 773 Elmenh. ibique Wasse.

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