23 février 2014

Para-Pellazgët=LES PÉLASGES ET LES ALBANAIS=


=SI U MASHTRUAM PAS TEZES PELLAZGE= 

 

Dosje N°-V-

31 décembre 2013, 19:41
Dr. AROSTOLIDÈS i pergjigjet Dr.Adamidit

=LES PÉLASGES ET LES ALBANAIS=



Il est beaucoup plus difficile d'établir les rapports des Pélasges avec les
Albanais.

Entre le XV -siècle avant notre ère, c'est-à-dire l'époque où les Pélasges ont été expulsés de Grèce, et le XII- de noire ère, où les Albanais sont apparus pour la première fois dans l'histoire, il y a un intervalle de douze siècles dont l'histoire n'est pas encore faite, et les renseignements que nous trouvons éparpillés dans les auteurs sur la question suffisent à peine à nous indicpier où les Pélasges finissent et les Albanais commencent. Si maigres toutefois qu'ils soient, ces renseignements sont plus que suffisants pour vous faire comprendre que ce que M. Adamiti  nous a dit sur ce sujet n'est pas du tout sérieux.

Il n'y a pas de doute, Messieurs, que les Pélasges qui ont occupé la Grèce n'ont pas été tous hellénisés. L'histoire ne nous afirme le fait que pour les Pélasges qui ont demeuré dans l'Attique et dans l'Argolide. Les Pélasges, dit Hérodote, qui de l'Attique ont émigré à Lemnos, étaient hellénisés à un tel point que tout le monde les prenait pour des Hellènes, et les Ioniens qui, de l'Argolide, ont passé en Asie Mineure, étaient connus plus communément sous le nom de Pélasges maritimes, Tïsacjyo Aiyiakeîs. Or, ce qu'Hérodote dit est confii-mé non seulement par Thucydide, par Strabon et par Diodore, mais aussi par les écrivains juifs. Les Pélasges qui de la Candie ont émigré en Syrie, sont appelés par l'un des écrivains de
la Bible, Philistées, par l'autre Cretois, par un troisième Hellènes, ce qui indique que ces trois peuples ne différaient pas sensiblement entre eux.

Au contraire, les Pélasges qui, au temps d'Hérodote, existaient encore dans la ville de Creston en Macédoine, de même que dans les villes de Skylale et de Plakia sur rilellespont, et qui, lorsque 'ils étaient en Grèce, demeuraient en Thessalie dans le voisinage des Doriens, ces Pélasges, disons-nous, ne parlaient pas le grec, mais le pélasge: langue barbare, ajoute l'historien, incompréhensible pour les Grecs aussi bien que pour les barbares, dont ils étaient entourés dans leurs nouvelles demeures.

Mais tout porte à croire qu'avec le temps, eux aussi eurent le même sort que leurs compatriotes d'Attique. A force de cohabiter avec les peuples étrangers, les Illyriens, les Mysiens, les Macédoniens, les Thraces, ils finirent par être absorbés par eux sans laisser la moindre trace de leur existence; et si nous allons un peu plus loin sur le littoral de l'Asie Mineure, nous y trouverons que les pays qui, dans les premières années de l'émigration pélasgique, prirent le nom de Pélasge, ne tardèrent pas à le changer, l'un en lonie, l'autre en Eolide, le troisième en Doride: ce qui indique que leurs habitants qui, à leur arrivée, étaient des Pélasges, ne tardèrent pas à se fondre avec les peuples dont ils étaient entourés et ils finirent par en adopter le nom.

Les seuls Pélasges qui réussirent à conserver leur nationalité et leur langue très longtemps furent ceux qui demeuraient dans la partie occidentale de la péninsule grecque.

Chassés par les Etoliens, les Curetés et les Akarnanes, ces Pélasges se retirèrent en Epire, et là, unis aux Mysiens chassés par les Grecs de la Thessalie, aux Tyrsènes de la .Macédoine et aux Illvriens, formèrent un des quatre grands Etats barbares auxquels la Grèce de l'époque classique confinait du côté du nord, et qui furent conserver leur nationalité et leur indépendance jusqu'à l'arrivée des Romains.

Une tradition ancienne, qui nous a été conservée par Plutarque, nous apprend en effet que'après le cataclysme de Deucalion, c'est-à-dire lors de la descente des Grecs dans le Péloponèse, Pélasgos, le chef des Pélasges existant en Grèce, a dû se retirer avec eux en Epire, et que là,  un de ses compagnons, nommé Phaéthon, a réussi à se faire nommer roi:

Mais les successeurs de ce roi, continue à nous apprendre la légende, ne tardèrent pas à retomber dans la barbarie, et cet état de choses continua jusqu'au règne d'un certain Tharvpa, qui eut l'heureuse idée d'introduire dans ses Etats la langue et les lois humanitaires de la Grèce.

Or, cette observation de Plutarque, que les successeurs immédiats de Phaéthon étaient retombés dans la barbarie, indique clairement que les chefs de celte famille royale d'Epire, quoique Pélasqes, étaient, à leur arrivée, plus ou moins hellénisés.

Toutefois, le premier roi hellénisé d'Epire cité par l'histoire fut incontestablement Admète , chez qui s'est réfugié Thémistocle lorsqu'il fut poursuivi par les Athéniens; et le il et successeur de ce roi, nommé également Tharvpas, fut le premier prince épirote qui, du vivant de son père, est allé faire son éducation et son instruction à Athènes. De sorte que, lonquement parlant, l'on pourra dire que les Pélasges qui de Grèce ont émigré en Epire avaient commencé à s'helléniser dès la plus haute antiquité et que leurs premiers instituteurs étaient leurs rois.

Mais ce qui a le plus contribué à l'hellénisation de l'Épire fut le développement rapide du peuple et du commerce grec, et plus particulièrement le grand nombre des colonies que les Ioniens avaient établies de bonne heure sur tous les points de la Méditerranée. Dans le courant du VI- siècle avant notre ère, il y avait trente villes ioniennes le long du littoral de la Macédoine; trente autres s'élevaient sur les côtes de I'Epire et de l'Illyrie, et les rois de ces pays se vantaient de descendre les uns des Héraclides, les autres des Eacides, les troisièmes des Kadméens, et tous faisaient de leur mieux pour introduire la langue et la civilisation grecques dans leurs Etats.

Grâce à ces efors, la langue grecque ne tarda pas à remplacer dans plus d'un canton d'Epire le pélasge. Au dire d'Hérodote, lorsque les Thesprotes ont voulu transformer leur sanctuaire de Dodone en oracle semblable à celui de Jupiter d'Ammon, ils ont dû en retarder l'ouverture jusqu'à ce que la fille égyptienne qui devait rendre les oracles eût appris la langue grecque, la langue du pays: Le même historien nous enseigne encore que les premiers Grecs qu'on rencontrait en allant de I'Epire en Grèce étaient les Dodoniens, et que leur pays était la première station hellénique du convoi sacré qui, chaque année, venait des Hyperborrhéens pour le sanctuaire de Délos.

Certes, le grec qu'on y parlait n'était pas de premier choix: c'était plutôt un mélange du grec, du pélasge et de plusieurs autres idiomes barbares que les Athéniens des temps classiques comprenaient difhcilement. Aussi, ne se génaienl-ils point de considérer les Epirotes comme non Hellènes et leur idiome barbare. Mais si l'on prend en considération qu'aux temps classiques, la plupart des anciennes toponymies d'Epire (pélasgiques ou illyriennes) étaient remplacées par des toponymies grecques, Htzeipos au lieu d'Aperi, Oeppa au lieu de Berat, Apados, Xapaos, Aktiov, etc., et qu'on se servait de plus en plus des noms grecs ou des noms pélasges plus ou moins hellénisés, etc., il est permis, je crois, d'admettre que, bien avant la conquête du pays par les Romains, la plus grande partie de sa population était hellénisée. D'ailleurs, les inscriptions que M. Carapanos a tirées des ruines du temple de Dodone ne laissent aucun doute sur ce sujet.

L'empire épirote s'est développé presque simultanément avec l'empire macédonien et ses rois se sont distingués, comme les rois macédoniens, par des faits d'armes et des expéditions militaires qui, pour n'avoir pas été toutes heureuses, ne sont pas moins appréciées par les hommes du métier. Lorsque Alexandre le Grand était en train de conquérir l'empire perse, son oncle du côté de sa mère, Alexandre, roi des Molosses, passait avec une grande armée en Italie, avec l'intention de l'annexer à ses états; et quatre-vingts ans plus tard, son neveu, le roi Pyrrhus, marchant sur les pas de son oncle, entreprenait la campagne contre les Romains, et il s'en est fallu de peu pour qu'il entrât victorieux dans leur capitale. Malheureusement, toutes ces grandes entreprises, tous ces triomphes et échecs sur les champs de bataille causèrent plus de mal que de bien au peuple, aux dépens duquel ils ont été faits. Ils l'épuisèrent moralement et matériellement, le plongèrent dans la misère et dans la discorde, et préparèrent son asservissement aux Romains, qui a été la cause de sa disparition complète.

Nous savons par Polyb que, lorsqu'en 168, Paul-Emile, le vainqueur de Persée, le dernier roi de Macedoine, devint maître de ses états, son premier soin fut de conduire ses légions en Epire pour venger les outrages que ses derniers rois avaient osé infliger aux Romains; et il exécuta son mandat avec toute la cruauté d'un Romain offensé. Soixante-dix villes florissantes furent livrées à la fureur de la soldatesque, et toute la population mâle du pays qui a pu échapper à la mort, montant à cent cinquante mille hommes, a été vendue comme bétail dans les marchés de l'Italie.

Leur pavs, repeuplé par des Illyriens et des Romains, devint alors une des plus importantes stations militaires romaines: Strabon, 822.

Je n'ai pas le courage de vous exposer les exactions que les pauvres Epirotes ont souffertes durant les deux premiers siècles de la domination romaine. Strabon les décrit avec les couleurs les plus sombres, et ceux parmi vous qui s'y intéressent pourront les lire dans cet auteur. Mais en lisant cet auteur, ils s'apercevront vite que toutes ces vexations étaient dirigées presque exclusivement contre l'élément indigène, les Epirotes, et qu'elles avaient pour but lem' extermination complète. En effet, au temps où Strabon écrivait sa Chrestomathie , deux des plus importantes tribus de l'ancienne Epire, les Ethikes et les Tallares, avaient déjà disparu du pays: Il n'en fut pas de même des Illvriens par lesquels les Romains avaient repeuplé le pays.

Ayant accepté avec reconnaissance la situation privilégiée que les conquérants lui avaient octroyée, ce peuple a travaillé très sincèrement à la réalisation du programme politique de ses maîtres, celui de i-oniamser le pays conquis. Mais, cela faisant, les Illvriens subirent eux aussi une série de transformations qui les ont différenciés singulièrement de leurs frères restés en Illyrie.

Le changement de climat et de nourriture, et plus particulièrement leurs alliances avec la population indigène, ne tardèrent pas à altérer leur constitution. De bracliycéphales qu'ils étaient sur les montagnes de l'IIyrie, ils devinrent, à l'instar des pères de leurs mères, dolichocéphales. Leur chevelure, de noire qu'elle était, devint châtain clair; leurs yeux devinrent bleu-gris, et leurs filles acquirent peu à peu le beau profil des Pélasges, qu'on a si inexactement nommé profil grec, et qu'elles ont conservé jusqu'à nos jours. Tous ceux qui ont voyagé en Epire s'accordent à reconnaître que les femmes au profil grec sont beaucoup plus fréquentes dans ce pays qu'à Athènes.

En se mélangeant avec les soldats romains qui étaient de toute provenance, les lilyriens établis en Epire changèrent également leurs mœurs et leurs habitudes à un tel point que leurs frères restés en Illyrie ne voulaient plus les reconnaître comme faisant partie de leur nation. Aussi cessèrent ils de les appeler par leur nom ethnique Skip. Ils leur donnèrent celui de Toski, qui, au dire des albanologues les plus autorisés, n'est qu'une forme réduite du mot Truski ou Toursas ou Tyrsènes, l'ancien nom des Pélasges de Macédoine; tandis que les Romains, qui avaient tout intérêt à les faire passer comme les anciens habitants du pays, leur appliquèrent celui de Arbir ou Albir, le nom préhellénique de la population indigène del'Epire, que les Byzantins convertirent en Apëavtat ou Axavion.

Donc, étant donné que, sous la domination romaine, l'Epire formait avec Illyrie un seul et méme état l'Illyricum  il n'est point étonnant que le géographe Ptolémée qui, comme vous le savez, vivait dans le II- siècle de notre ère, soit le premier auteur qui fasse mention de l'Epire sous le nom d'Albanie et qu'il la considère comme un département de illyrie. Mais le rôle important qu'ont plus tard joué les Albanais sous les Byzantins a fait que ce nom s'étendit sur toute l'illyrie et qu'il s'y conserve encore.

En dehors de ces deux appellations d'Arber et de Toski, les l'illyriens qui, sous les Romains, se sont installés en Epire, et que dorénavant nous appellerons les Albanais, n'ont rien pris de l'ancienne langue du pays. Et il ne pouvait pas en être autrement, puisque, à leur arrivée, la population indigène était presque entièrement éclipsée et que les Romains avaient imposé le latin comme la seule langue officielle dans le pays. Les quelques mots épirotes (pélasges) qu'on a découverts dernièrement dans l'albanais cola, espet, ajar, ont été empruntés à l'épirote bien avant l'arrivée des Romains dans le pays; aussi appartiennent-ils à l'illyrien, non à l'albanais.

La langue que les Albanais ont du apprendre dans leur nouvelle patrie était la langue romaine. Et, en effet, ils se l'approprièrent si vite qu'en moins de deux siècles la plus grande partie de leur vocabulaire était remplacée par des expressions latines. Et si les choses avaient continué à marcher du même train, il n'y a pas de doute qu'aujourd'hui nous aurions en lieu et place de l'albanais, une autre langue romaine semblable au français, à l'itallen, à l'espagnol. Mais heureusement ou malheureusement, vers la fin du II-siècle, survint l'invasion des Goths, laquelle a été suivie par celle des Slaves, des Serbes, des Bulgares, etc., ce qui a fait interrompre durant sept siècles la propagande de la langue romaine dans le pays.

Mais si cette occupation prolongée du pays par ces peuples barbares a préservé les Albanais d'une romanisation complète, elle a chargé leur idiome d'une foule d'expressions barbares de toute provenance, lesquelles, malheureusement, figurent comme élément constituant de l'albanais jusqu'aujourd'hui.

Pour vous donner une idée de la constitution actuelle de la langue albanaise, il me suffira de vous dire que, de cinq mille mots environ contenus dans le dictionnaire de M. G. Meyer, le plus complet des dictionnaires albanais parus jusqu'à présent, 1000 sont romains, 500 slaves, 500 turcs, 800 néo-grecs, et à 100 seulement se réduisent les mots qu'on peut considérer comme donnant le fond de l'ancienne langue illyrienne et dont la plupart font partie des langues tudo-germanlques.

De mots grecs, l'albanais n'a pas beaucoup, et ceux qu'il possède, il les a pris des Romains plutôt que des Grecs. Aussi conservent-ils encore le type et la forme romaine: par exemple, le mot albanais mbi, qui correspond au grec, a été tiré du latin ambi. Le mot vesi, qui correspond au grec sjorfs, a été tiré du latin vestes, dont il conserve la forme. Le mot mort qui, en albanais, signifie la mort, a été tiré du latin mortem, non de Spos, qui, seul, était en usage chez les anciens Grecs.

Et il ne pouvait pas en être différemment, puisque les Albanais vinrent au monde à une époque où le grec ancien avait déjà fait place dans l'Epire à l'idiome romain.

Le christianisme qui, en général, a fourni aux peuples barbares la Il  ne faut pas confondre les mois d'une langue avec ses-aciiies. En peuple arenié aux Indo-germains, les lllyriens, et par conséquent les Albanais, ont encore un grand nombre de racines puisées à la langue mère, lesquelles, dans toutes les langues appartenant à cette famille, sont les mêmes première occasion pour s'initier à la langue grecque, ne pouvait pas avoir le même effet sur les Albanais, par la simple raison que la conversion de ce peuple à la nouvelle religion a eu lieu à une époque (aux temps de Théodose) où le latin était encore la langue officielle dans tout l'Orient.

Aussi, la plupart des termes ecclésiastiques dont les Albanais font usage sont-ils pris du latin, non du grec. Ils appellent si, le  saint Kiese; les Eglises; mensa, la  messe  brecuhtm, le  miracle prift, le -protrei, cruoce, la croix, etc.

Je vous ferai grâce, Messieurs, des mots slaves, bulgares, valaques et turcs, passés à l'albanais, pour m'occuper plus spécialement de ceux empruntés au néo-grec.

Les premières relations des Albanais avec les Grecs modernes remontent à peine au XI- siècle, et plus particulièrement lorsque l'empereur Basile le Bulgaroctone les a délivrés du joug bulgare, et, comme récompense de leur fidélité et de la bravoure dont ils firent preuve dans ces combats, les a installés comme gouverneurs militaires en Péloponèse et en Thessalie, dans le but de contenir les Slaves domiciliés dans ce pays. Ce n'est qu'à partir de ce moment que les Albanais commencèrent à introduire dans leur dictionnaire des termes empruntés au grec vulgaire, par exemple: àyspas, àthoplvn, àjlpdyjx, ycfxdp, yovpva, x,oxoisa, siojo, eikoviyix, einovoylas, et tant d'autres qu'il serait long de citer.

Mais le plus grand nombre de mots néo-grecs sont entrés dans l'albanais lorsque, au commencement du XIII- siècle, un des frères de l'empereur Michel Gomnène, nommé Angelodoukas,  jusqu'alors préfet d'Epire, se déclara indépendant et fonda le despotat de l'Epire ou, pour mieux dire, le royaume gréco-albanais qui a tenu tète aux Francs aussi bien qu'aux Turcs jusqu'au XVII- siècle.

Suivant l'exemple des anciens rois d'Epire, Angelodoukas s'est donné pour tâche d'helléniser ses sujets encore barbares, et, pour relever leur sentiment patriotique et les préparer aux combats qu'il avait à livrer contre les Francs et les Turcs, ce despote chargea un grammairien de son époque, nommé Hermoniacos, de traduire en grec vulgaire  Iliade d'Homère. Et cette traduction qui, soit dit en passant, était écrite dans un grec du plus mauvais atoi, fut le seul ouvrage dans lequel les enfants des Epirotes, durant le despotat, apprenaient à lire et à se comporter en hommes libres.

Ce fut aussi le modèle sur lequel Benoît de Saint- Maure a composé sa fameuse Guerre de Troie qui, sans être supérieure à la traduction d'Hermoniacos, a remplacé plusieurs siècles Homère dans les écoles de France.

Nous ne dirons rien sur l'albanais parlé actuellement en Grèce. La situation exceptionnelle que les Albanais se sont créée dans ce pays pour la part qu'ils ont prise dans la guerre de l'indépendance hellénique, et la vie commune qu'ils y mènent avec les Grecs, ne pouvaient certes laisser leur idiome intact. Aussi cet idiome s'est-il chargé de tant d'expressions grecques qu'au dire du docteur Ueinhold, albanologue très distingué, il constitue un nouveau dialecte albanais que les Albanais de Bérat ne comprennent que difficilement.

Il résulte de ce que nous venons de dire que les Albanais ne sont pas des Pélasges, comme M. Adamidi le croit, pas plus que des lllyriens. Ce sont le produit de l'union des lllyriens romanisés avec les l'Epirotes helléinsé sy les quels unis aux Goths, aux Mysiens, aux Slaves, et plus particulièrement aux Grecs modernes, formèrent avec eux un peuple mixte à part qui a beaucoup plus de rapport avec ces derniers qu'avec n'importe lequel des peuples qui ont contribué à sa formation.

Mais M. Adamidi est un adversaire indomptable et garde ses plus dangereux coups pour le dernier moment.

«Si tout cela était vrai, nous dit-il en dernier lieu, si les Albanais n'étaient pas les descendants directs des Pélasges de l'antiquité et si ces Pélasges n'étaient pas la souche du peuple et de la langue hellène, comment se fait-il que la langue albanaise s'approche du sanscrit beaucoup plus que le grec, qu'elle consiste de ces mêmes mots monosyllabes qui ont servi de racines pour la formation de la langue grecque, et qu'elle contient encore grand nombre de mots et d'expressions propres à la langue homérique ?

Si ces objections aient fondées, j'avouerai, Messieurs, que c'en serait fait de toutes les démonstrations historiques et ethnologiques dont je viens de vous entretenir; car, dans les discussions du genre de celle qui nous occupe, les témoignages de la languiste passent aujourd'hui pour les plus véridiques. Mais, heureusement pour nous, mon honorable confrère est ici aussi dans la plus grande erreur.

Nous observerons tout d'abord que le sanscrit  qui la choisi comme point de repère de l'ancienneté relative de deux langues, l'albanais et le grec, ne peut plus servir à ce propos. Il y a plus de cent ans que cette langue a cessé d'être considérée comme la mère des langues indo-européennes et que les langues ne sont plus taxées d'après le nombre de termes sanscrits qu'elles possèdent. Aujourd'hui, tous les asianologues admettent que le sanscrit est un rejeton de la branche orientale du tronc indo-persan ou arien des langues japetiques, de même que le grec en est un de sa branche occidentale; et que les langues qui descendent directement du sanscrit, tout en étant plus jeunes, peuvent contenir beaucoup plus de termes de cet idiome que le grec.

Mais admettons un moment que la doctrine ancienne soit encore la vraie, et examinons les éléments linguistiques sur lesquels mon honorable confrère base ses conclusions.

Commençons par les mots qui. suivant lui,  rapprochent l'albanais du sanscrit beaucoup plus que le grec.

Le mot =java, dit M. Adamidi, qui, dans le sanscrit, signifie la  semaine se retrouve dans l'albanais sous la forme de =iavva, tandis que les Grecs se servaient du mot éqoy.ds.

Mais dans le sens que mon confrère lui donne, le mot java n'existe pas dans le sanscrit. Je l'ai cherché inutilement dans le grand dictionnaire de Saint-Pétersbourg, le plus complet que nous possédons, et je prierai mon confrère de m'indiquer l'endroit où il se l'est procuré.

Les Hindous, qui divisaient leurs mois en deux parties égales, correspondantes aux deux phases de la lune, se servaient des expressions oîrfl et navaha, équivalentes aux nôtres de pleine lune et de nouvelle lune.
Plus tard, a été inventée la division du mois en trois parties égales, système dont les Hellènes de l'époque classique lirent usage, mais qui chez les Hindous, passa inaperçu.

La division du mois en semaines est une invention relativement moderne des Sémites de la Mésopotamie, que les Hébreux, revenant de leur exil, apportèrent de Babylone, mais qui n'est entrée en usage universel que lorsque le christianisme a propagé la légende de la création du inonde en sept jours. Dion Cassius nous apprend que les Romains ne l'adoptèrent qu'au temps des empereurs et qu'elle leur était venue des Egyptiens. Mais le plus intéressant de tout, c'est que lorsque ce système s'est propagé de Babylone en Perse, et de là aux Indes, on y adopta, pour le désigner, la terminologie sémite. On traduisit sabbat par hephla en Perse, par snpla aux Indes, en Grèce, et nulle part par avva.

Mais le plus curieux du tout, c'est que le mot iawa, que M. Adamidi nous présente comme le nom albanais de la semaine, n'est pas non plus albanais. Au dire de M. Cavalioti, de Hahn et de Meyer, les albanologues les plus renommés de nos jours, les Albanais se servent dans ce but du mot giabba qui, au dire des mêmes auteurs, n'est que le produit de corruption du mot latin hahda ou hebda, équivalant à vétrla des Grecs.

Je vous ferai grâce, Messieurs, des commentaires d'ailleurs très instructifs de M. G. Meyer, contenus dans son dictionnaire étymologique de la langue albanaise, page 162. Ceux parmi vous qui s'y intéressent peuvent avoir recours à cet ouvrage, et dans le cas où ils ne le trouveraient pas dans la Bibliothèque khédiviale du Caire, je m'offre de mettre à leur disposition le mien.

Le second mot que M. Adamidi cite à l'appui de ses idées est bec. «Ce mot sanscrit, dit-il, se conserve dans l'albanais sous la forme de bouc, qui signifie, comme dans le sanscrit, le pain; tandis que les Grecs se servaient dans ce but du mot âpros.

Mais le mot bec n'est sanscrit que pour M. Adamidi. Tout le monde le considère comme phrygien, et ceci d'habitude plutôt que de conscience.

Car, à vrai dire, ce mot a été fabriqqué   en Egypte et dans des conditions qui excluent toute coopération phrygienne. «Psamétique, dit Hérodote, ayant eu une fois la curiosité d'apprendre quel était le plus ancien peuple du monde, fit élever deux nouveaux-nés dans un isolement complet. Les gens chargés de leur entretien reçurent des ordres sévères de ne rien prononcer par devant ces nourrissons jusqu'à ce qu'ils eussent commencé à parler spontanément. Or, le premier mot que au dire de leurs gardiens, ces enfants prononcèrent pour leur demander à manger, fut bec. Informé de ce fait, Psamétique demanda à son entourage si quelqu'un connaissait le pays qui ce mot était en usage, et ayant appris que c'étaient les phrygiens qui désignaient par ce mot le pain, eut la satisfaction de conclure que les Phrygiens étaient le peuple le plus ancien de l'univers et que bec exprimait dans leur langue le  pain, de Grâce à ce racontar d'Hérodote, tous les peuples de l'antiqite ont admis les conclusions de Psaniélipie sans jamais se donner la peine de les contrôler.

Mais même en admettant avec M. Adamidi que ce vocable est réellement un mot sanscrit et qu'il désigne le pain, il est facile à démontrer qu'il n'a rien à faire avec le mot bouc, le nom du pain chez les Albanais. Au dire des albanologues les plus autorisés, ce mot ne signifie point chez les Albanais le pain, mais la quantité de nourriture que la bouche d'un homme est capable de contenir. Il correspond par conséquent à l'expression, Mwe bouchée de pain. Et comme la nourriture habituelle des Albanais était le pain, le mot bouc est passé avec la signification du pain. Dans tous les cas, bouc ne dérive pas du phrygien pas plus que du sanscrit, mais tout simplement du latin bocca.

Ceux parmi vous qui désirent s'assurer de l'exactitude de mes assertions peuvent lire les commentaires sur ce mot contenus dans le dictionnaire précité de G. Meyer. page 51.

Vous pouvez conclure. Messieurs, de cet examen comparé de deux premiers des mots par lesquels M. Adamidi cherche à démontrer la proche parenté de l'albanais avec le sanscrit, combien ses arguments sont peu sérieux. Les mots qu'il nous présente comme tels ne se retrouvent ni dans le sanscrit ni dans l'albanais.

Venons à présent aux mots albanais qui. suivant M. Adamidi, se rencontrent dans la langue liomérique et ceux qui auraient servi de racines pour la formation de la langue grecque.

Le seul mot que l'albanais a en effet commun avec la langue homérique, c'est Vaaciap. Il se rencontre tel quel dans plus d'un endroit de l' Iliade.
Mais il ne faut pas oublier que, pour identifier deux mots appartenant à deux langues différentes, il ne sufiit pas seulement de l'identité de leur construction et de leur forme; il est nécessaire que les deux mots aient aussi la même signification. Car l'homophonisme à différents sens est un phénomène du hasard commun à toutes les langues. Ceux parmi vous qui ont eu occasion d'entendre la belle comédie néo-grecque la Bahjlonie  doivent se rappeler que la base de cette pièce est une homophonie de ce genre.

Le mot par lequel les Cretois désignent les moutons a dans l'albanais une toute autre signification. Et ce fut ce qui a occasionné parmi les convives la rixe pu les a fait passer la nuit dans le dépôt. Il est très probable qu'il en est de même du mot apap. Car si nous savons ce que ce mot signifie en albanais, nous iffnorons complètement sa vrais signification en grec. Les meilleurs hellénistes ne sont pas encore arrivés à préciser ce que ce mot signifie chez Homère. Et tant que ce pointue sera pas définitivement éclairci, nous ne pourrons jamais affirmer que le mot homérique est identique avec l'albanais afnr.

Or, tels sont la plupart des mots albanais que M. Adamidi cherche à identifier avec les mots homériques et les faire passer comme les radicaux de l'ancien grec.

Le mot albanais vras, qui signifie tuer, et bredh, qui signifie  tanner, sont identifiés par mon confrère avec les mots homériques Spay et, dont l'un signifie «manger, l'autre «ce qu'on mangeai. Le mot albanais prir, qui signifie  détruire, est identifié avec le mot homérique csprjïoi ou aipdarj, qui signifie vendrez; et ne sachant pas où caser le mot morgou ou mourgou, commun à toutes les langues romaines, sans en excepter le grec moderne, M. Adamidi ne se gène point de nous fabriquer de toutes pièces un mot homérique nouveau: fjiopyaléos.

Beaucoup plus curieuse est la nomenclature grecque des animaux domestiques que M. Adamidi fait dériver de l'albanais.

Il est notoire que l'animal qui chez les Grecs anciens, était appelé iis, et chez les Romains equs, porte chez les Italiotes le nom decaballaa. Or, en enlevant de ce mot la syllabe moyenne ba, disent les albanologues, les Albanais formèrent le mot calas, dont ils se servent jusqu'à nos jours, pour désigner le cheval. Ils en firent autant pour le mot cavalière qu'ils transformèrent en calior. Mais mon honorable confrère ne veut rien savoir de tout cela. Il est fermement convaincu que le mot albanais cale est le prototype pélasge dont les anciens Grecs tirèrent le mot KeXr?, leur plus ancien nom du cheval, à son avis. Mais s'il avait étudié un peu mieux l'ancien grec, il aurait su que dans l'antiquité le mot KeXjj n'était point le nom propre du cheval, mais un de ses adjectifs multiples. Il désignait un cheval propre à monter et plus particulièrement un cheval de course. Il aurait su encore que, de la forme dorienne de ce mot xsXep, les Romains formèrent leur celer et les Valaques de nos jours leur calaras, qui veut dire  . Il y a même un petit pays en Thessalie, renommé pour ses chevaux de course, qui conserve jusqu'à nos jours son ancien nom de halanta.

Le mot Mer le nom grec du ryeaur. serait, d'après M. Adamidi, formé sur le modèle du mot albanais mer. Mais, au dire des albanologues ce mot en albanais ne signiffie point le veau ou la vache, mais le mulet, et je ne crois pas qi'il y eut une époque où les mulets produisaient des veaux en Albanie.

Le mot a'îa.iyoi enfin, le nom grec de la chèvre, dérive, suivant M. Adamidi. du mot albanais gets, qui, pour tous les albanologues, est la forme raccourcie du mot keci ou katsi, que les Turcs donnent à cet animal et qui est également passé dans le grec moderne.

Je crois, Messieurs, que vous avez assez de la nomenclature gréco- albanaise des animaux domestiques. Permettez-moi de compléter le tableau en vous citant quelques-unes des étymologies de noms propres des localités, des hommes et des peuples de l'ancienne Grèce que M. Adamidi croit pouvoir expliquer par l'albanais.

Du mot krah qui, en albanais, signifie le bras, mon honorable confrère ne se gène point de faire dériver le nom grec de Kpavixoi, les anciens habitants de l'Atique, et l'expliquer par Pélasges au bras fort qui mot dore qui, en albanais, signifie la  main  de même que le bout supérieur du bâton, il fait dériver le nom des Doriens et l'explique par hommes ou Pélasges armés de gros bâtons. Le mot albanais maie, qui signifie la  pomme  et mole, qui signifie la  montagne  seraient les radicaux des mots grecs Maleasel Molosses.

S'il est cependant vrai que les anciens Molosses occupaient un pays montagneux, c'est la première fois que j'entends que le cap Maléas est un pays ou le pommier prospère. Le mot Hellopie, le nom ancien de l'ile d'Eubée, signifierait le «pays de vaches dit, le pays de sangliers; Thèbes, que les Grecs prirent des Egyptiens, signifierait le pays de porcs. Mais la plus  amusante de ces étymologies est celle de Toapa et de Acosvrj, qu'il nous a laissée pour la bonne bouche.

«Le nom Tôfxapa, ou Tçxôpa en grec (à)zo et de Dodoni dit M. Adamidi, proviennent l'un de Toum-Toium,  l'autre de Don-Don, qui rappellent les bruits que ce volcan de l'antiquité produisait dans ses éruptions,  C'est égal à M. Adamidi si cette montagne n'a rien sur elle qui puisse déceler sa nature volcanique. Il suffit pour lui de savoir que son nom actuel Tinoros est celui dont les Pélasges se servaient et qui, passé au grec, a conservé sa signification de montagne fumante.

Il y a. Messieurs, un proverbe albanais qui dit: - Autant il est facile à un enfant de jeter une pierre dans le puits, autant il est difficile à un adulte de la retirer,  Malheureusement, mon honorable confrère, sans être un enfant, en a précipité tant dans sa disserlution qu'il me faudra travailler des mois entiers pour les remettre au jour.

Je ne crois pas cependant que ce soit nécessaire.

De ce que j'ai pu retirer, et, je l'avoue, non sans beaucoup de peine, l'on peut se faire une idée sur ce que vaut le reste. Aussi, je n'ai qu'à vous remercier pour la patience avec laquelle vous avez bien voulu entendre mon babillage et à souhaiter à mon confrère un meilleur emploi de son temps dans l'avenir.

Dr. AROSTOLIDÈS.

5 Janvier 1906

 
 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES BASQUES: Par Louis Antoine Lejosne

Professeur D'histoire Au Lycée Impérial De Tardes, Membre De Plusieurs Sociétés Savantes

LES BASQUES:

Aux extrémités opposées des Pyrénées, on trouve deux peuples d'une physionomie particulière.

A l'occident, vers la source de la Bidassoa et de l'Ebre, les Basques, gens agiles, vigoureux, à la taille médiocre, mais fortement prise, industrieux, attachés au sol, parlant la langue euscarienne, que l'on a essayé vainement de rattacher aux idiomes de l'Europe moderne.

A l'orient, vers le Roussillon et la Catalogne, les Bohémiens, appelés, suivant les pays, Gypsies en Angleterre, Zigeuneu en Allemagne, Zingari ou Zingani en Italie, Tartares, Égyptiens, Gitanos en Espagne; et qui, rejetant toutes ces appellations, prennent entre eux le nom de Pharaons; — famille nomade qui refuse, de s'asseoir au foyer de toute civilisation ; — dont les traits physiologiques sont une taille haute, des dents blanches, un teint basané, des cheveux noirs et frisés, une face en général laide ; — dont les mœurs sont la vie errante, le vol, l'éloignement pour les étrangers, le séjour à l'entrée des villes, sous les vieux ponts ou dans les maisons en ruines. Leur langue est le tzigane. Les premières bandes de ces nomades dangereux se montrèrent en France au temps de Saint-Louis : elles venaient de la Bohême,'de là leur nom. Mais la Bohême n'était qu'une de leurs longues étapes a travers l'Europe. — On a dit, touchant leur origine, qu'ils étaient ces Tchinganes fixés sur les bords de l'Indus et expulsés par les Mongols; ou bien d'anciens chrétiens chassés par les infidèles de la Terre-Sainte ;  ou bien encore des pénitents qui couraient le monde en expiation de leurs fautes, le pape les ayant condamnés a ce genre de vie.

La première de ces versions est seule acceptable; la science classe aujourd'hui les Bohémiens dans la race arienne; leur langue, malgré les emprunts qu'elle a faits aux différents dialectes européens, retient dans sa lexicologie un caractère tout arien; elle se rattache, par une foule de termes, au sanscrit, par l'intermédiaire des langues hindoues modernes. Les Bohémiens se regardent comme étant sortis de l'Egypte, et n'ont conservé aucune tradition de leur berceau historique. Leur nombre s'élève à 700,000 environ; la plupart habitent la Hongrie, la Russie méridionale, l'Angleterre, les Pyrénées.

Je me propose, dans ce mémoire, de rechercher l'origine des Basques, nation beaucoup plus célèbre, et sur les commencements de laquelle on n'a rien avancé de bien positif. Mais avant d'aborder cette question, j'éprouve la nécessité de l'éclairer par quelques études ethnographiques et géographiques.

Les races humaines appartiennent à trois grands types :



1° type noir (race chamique). fixé d'abord en Afrique, se répandant ensuite dans les îles de l'Océanie, dans l'Hindoustan, dans la Mélanésie ;



2° type jaune ou mongolique, originaire du plateau central de l'Asie, propagé par migrations en Chine, dans les contrées boréales, dans l'Inde (rameau dravidien), dans les îles du Pacifique (Polynésiens), dans l'Amérique (les Indiens), à Madagascar (les Madécasses), dans le bassin de la Caspienne, dans le Caucase;



3° type blanc, comprenant deux branches : les sémites (Hébreux, Arabes, Assyriens, Araméens, etc.), entre le Tigre et la Méditerranée ; les japhéliques, entre l'Ararat et 1,'Hindou-Koh, divisés en deux rameaux : les Ariens (Hindous) elles Iraniens (Perses, Mèdes), dont les ramificationsont couvert tout l'Occident.

Ces derniers se répandirent d'abord vers la région montueuse renfermée entre la Caspienne ot l'Euxin, eu ils rencontrèrent des tribus de race jaune, race qui, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos Mongols du moyen-âge, tourne volontiers la Caspienne par le nord pour venir se lixer sur les bords du Palus-Méotide.

De là résulte la singulière physionomie des populations du Caucase : pêle-mêle de peuplades blanches et jaunes, où cependant le sang japhétique paraît prédominer ;  de là, constitution toute spéciale des langues, qui forment une classe à part : langues composées de mots pris aux dialectes les plus divers. Ne nous étonnons pas si les Arabes ont surnommé cette chaîne le Djebel-Allessan, c'est-à-dire la montagne des langues; le Caucase fut, en effet, le rendez-vous, la grande halte des peuples dans leur migration vers l'ouest (1).

Le Caucase (2) s'étend du cap Anapa à la pointe d'Apscliéron sur un développement d'environ 1300 kilomètres. Le versant méridional du massif présente une suite successive de plateaux et de terrasses qui s'échelonnent jusqu'au faîte et entre lesquels s'ouvrent d'agréables et de fertiles vallées; tandis que le versant septentrional est rocheux et d'un sol généralement ingrat.

Les Persans le désignent sous le nom de Khoh-Kasp, ce qui peut se traduire par mont chauve, Khoh, chauve, Kasp, mont, ou par mont des Kasp (en sanscrit, Koh montagne), de même Hindou-Koh signifie mont des Hindous. Cette racine Kasp ou Asp appartient à la langue iranienne; on la retrouve dans une multitude de dénominations géographiques de l'Orient: Caspienne, monts Caspiens, cap Apschéron, Caspii, Aspasiaces, Apsarus, Abkhazes, Aspadana, etc.

IBÉRIE ASIATIQUE:

Entre les divers pays du Caucase, j'arrêterai, pour l'intelligence de ce mémoire, l'attention sur rIbérie. — Cette contrée avait pour bornes, au nord le faîte de la chaîne, au sud le dis

(1) De l'origine du langage, par E. Renan. Paris, 1848.— Mémoire tur l'origine du langage, par J. Grimai. Berlin, 18S2.

(2) La géographie ancienne du Cauease donne lieu à de curieux rapprochements:

1° Montagnes : Ceraunii montes, jcaraxici montes, monts Moschiques. — L» racine se retrouve en grec dans KÉbas, pointe, ou dans KeradnÔs, foudre. —En Grèce nous trouvons les monts Acrocérauniens, le promontoire Acrocéraunia.

2° Rivières : Hypanis, Aloutha (Térek), Apsarus, Phasis. — Le fleuve Hypanis (Kouban) s'appelait aussi Vardanès. Vardane est un nom que l'on rencontre dans les dynasties de l'Arménie et de la Parthiène. — L'Aloutha est un affluent du Danube. — Le Phasis rappelle l'Hyphasis de l'Inde et le Phison de l'Eden.

3° Peuplades : Ossètes, Tscherkesses, Caspiens, Casiens, Paricanicns, Lezghes, Lazes, Abkhazes, Issédons, Alains, Colches, Albanais, Beslenii, Tibareni. Macrones, Mares. Mosynœci, Taoques, Chalybes, Asbages, etc.

L'Inde et les Pyrénées avaient des Ossètes; l'Inde comptait en outre des Caspiens, des Aspiens, des Casiens. — Paricanii est une forme d'Arii (les Aryens). — Les Lezghes, Lazes ou Jazes se retrouvent dans les Jazyges, peuples de race jaune qui alaissésonnomàl'Iazygie, district hongrois dont le chef-lieu est JazBereny, la ville des Jaz (berri, ville en basque). — En Italie, il y avait une contrée appelée Japygie. Cette racine Uz apparaît dans lasch, Jassy (Jassorum municipium),golfelasique(lassicussinus), île Jasos(merÉgée), Iaxarte(le Si-houn), Jason (roi de Iolchos).trict de Taoques, à l'ouest la Colchide, à l'est l'Albanie. Elle formait un royaume dont sept princes ont porté le nom de Pharasmane, que je dériverai du sémite Phara, pharao, roi (1), et de mane, homme, terme commun à tous les dialectes indoeuropéens, menou, mânes, minos, mann, etc.

Il y avait aussi, dit Etienne de Byzance (2), vers les colonnes d'Hercule, une autre contrée du nom Siberie; celle-ci prenait son nom du fleuve Iberus. Elle s'adossait également à une grande chaîne de montagnes, les Pyrénées. Des traditions presque analogues se rapportaient <i ces deux massifs aussi imposants par, leur élévation que par leur étendue. La théogonie grecque plaçait dans le Caucase les histoires de Prométhée, de Deucalion et de Pyrrha; des Arimaspes qui n'avaient qu'un œil; des Grifons gardiens des métaux précieux; le royaume des Amazones; celui d'Aétés avec ses monstres, son palais du soleil ; la Toison d'Or; l'enchanteresse Médée.

Les Pyrénées offraient quelque ressemblance avec le Caucase: même étendue, même direction; situation entre deux mers; climat à peu près semblable ; deux grandes pentes, l'une douce vers la Gaule, l'autre abrupte vers l'Hispanie. La région pyrénéenne rappelait le souvenir d'anciennes exploitations métallurgiques, les immenses trésors du roi Chrysaor, père de Geryon, convoités par l'Hercule tyrien, comme la toison du roi Aétés l'avait été par les Argonautes.

Si nous comparons les noms géographiques des deux régions,

On trouvait des Issédones (famille jaune) sur le revers occidental du plateau de l'Asie, des Albanais dans les Alpes.



L'Albanie, arrosée par l'Albanus, avait pour villes Albana (Mias-Abad), Chabala, Thilbis, Tebela, Abliana, noms qui retiennent la racine indo-européenne Alb ou Alp, qui est si fréquente dans les pays occidentaux : Jubal, Thubal, Alpes, Alba, etc., et qui semble se montrer dans Thabœ (Médie), Thèbes (Grèce et Egypte), Tiba (Espagne), Thèbe (Cilicie), Tibet (Asie centrale).

Les Colchi (Colchos, colche, se rapproche de la forme ouolchos, volsque, de Jolchos, ville de Thessalie) avaient pour villes Zarace, Dioscurias ; ce dernier nom, que l'on fait dériver de Dioscures, Dios infcs, les enfants de Jupiter, pourrait bien venir plutôt de loscurios mot à mot : la ville des loscs (eusks), t'ose,urio (en basque, uria signifie ville), interprétation d'autant plus probable, que la ville actuelle se nomme Iskuriah.

Le nom de Beslenii se revoit aux Pyrénées dans Belendii; celui des Chalybes dans Chalybs (Quelles), affluent de Hébre.

Tibareni est un diminutif d'Iberi.

(1) Nous écrirons en petites capitales les mots grecs qui pourront se rencontrer dans ce mémoire. (Note de l'imprimeur.)En gi-ec pharos, bandeau.

(2) Péri poléôn, nous ne pouvons nous défendre d'y saisir une multitude de rapprochements.

L'Ibérie asiatique avait pour rivières principales le Cyrus, l'Araxe ou Phase et l'Argus; on distinguait parmi les peuplades les Ossaréniens, les Saspires, les Masques, les Asturicani, les Moténiens, les Cambyséniens, les Sacacéniens, les Scythes, les Éthiopiens, les Malu, les Alarodii, etc., dont les villes les plus connues étaient Agiiinum, Vasada, Varica, Nubium, Harmozica. Zalissa (i).

IBÉRIE EUROPÉENNE:

Nous relisons la plupart de ces dénominations dans la région pyrénéenne. Exemples : deux affluents de l'Ebre portent les noms d'Aragon et d'Arga. Ossaréniens se retrouve dans le val d'Ossau, Osserain, Ossas, Ausci, etc. Saspires dans Aspiroz, Espira; Aspis (en basque Asperia, vallée inférieure, d'où Vallis Asperia, le Vallespir). Sacacenii dans Succassii. Asturicani dans Astures.  La ressemblance entre les noms des villes n'est pas moins frappante:

IBÉRIE ASIATIQUE. IBÉRIE EUROPÉENNE:

Aginnum Aginum (Agen).

Vasada Vasates (Bazas}.

Nubinm Nobium (Nobès, Gallice).

Ces analogies nous conduisent à considérer les Ibères de ces deux régions comme appartenant à une même famille. Strabon avait déjà remarqué de son temps que les peuples qui émigraient avaient coutume de transporter sur les terres les plus éloignées les dénominations des pays, des fleuves, des villes qui leur rappelaient le pays natal. D'un autre côté, il demeure évident que les Ibères des Pyrénées ont été une colonie venue du Caucase, puisque l'histoire nous démontre constamment que le mouvement des races s'est accompli d'Orient en Occident.

(I) Hérodote, Ptolémée, Etienne de Byzance.

Ossaréniens. Cette forme se retrouve dans Cosséens (Médie), Ossidiens (Inde), Osci (Italie), etc. Masques en est une variante.

Saspires. — Dans Seberia ou Severia(Sévérie), dans Sibiria, Siberia (Sibérie).

Sacacenii ou Sacesinii. — Dans Assacenii (Inde) ttatii (les hommes). — Rameau de Sarmates. Il y avait des Sarmates sur les bords de l'Indus, dans la Médie; ce peuple parlait un dialecte scythique (Pline, vi, Hérodote, iv).

Ethiopes. Hérodote place dans la 17e satrapie de Darius, formée du Caucase, les OEthiopes Asiani Colentes, colonie laissée peut-être dans ces montagnes par le conquérant Ramsés-Mélamoun (Sésostris).

Scythes. Rameau de la famille scythique perdu au milieu des mille peuplades du massif. Ils avaient donné leur nom aux montes Scythines. (Les Scythes, par M. Bergmann. Colmar, 1858.)

OPINIONS DIVERSES SUR LA RACE IBÉRIENNE:

II ne sera pas inutile au sujet de rapporter ici les opinions qui ont été émises sur les Ibères, originaires de l'Asie suivant les uns, de l'Afrique suivant les autres. — A la première opinion se sont rangés plusieurs historiens de la Péninsule, respectueux observateurs des traditions bibliques, qui ont vu dans Thubal le chef de la famille ibérienne. Ils le placent dans le Caucase, d'où ses descendants vinrent fonder Sétubal, Tuffala, Vascona, Tudela ; ils lui donnent pour fils Iberus, dont les successeurs ont été Jubalda, Brigus, Tagus, Bétus, Déabus (d'ori ginc africaine), et ses fils, les Géryons; Hispalis, Hispanus, Hercule de Libye, Italus-Atlas. Sous le règne de ce dernier, les Haies, peuples de la race d'Atlas, envahirent la Péninsule; leurs principales tribus étaient les Sicores, les Sicanes, les Sicules, les Lusiens. — Cette liste présente une confusion de noms d'hommes, de villes et de peuples. Quelques auteurs espagnols, conduits par la ressemblance des mots Iber et Héber, ont attribué aux Ibères une origine juive. De là Velasqueza pu écrire que l'espagnol était né du mélange de l'hébreu et du grec (1).

L'opinion de l'origine africaine des Ibères appartient à l'écossais Pinkerton, qui l'a exposée en 1802 dans son Résumé géographique; il considère cette famille comme étant vcnuc.d'Afrique en Espagne par le détroit de Gibraltar. — Plus tard, le colonel Bory de St-Vincent s'en empara dans son Essai géologique sur le genre humain, mais en la modifiant. D'après lu.i, les Ibères seraient sortis de l'Atlantide, île célèbre dont Platon avait connu l'existence de la bouche des prêtres de Sais. Dans cette hypothèse, l'Atlantide ne serait autre chose que la région de l'Atlas, alors que les flots de la mer couvraient les plaines du Sahara.

Mais il s'est produit dans ces derniers temps une idée toute nouvelle sur les Ibères; on a cherché à établir que sous ce(I) Ensayo sobre las alfetas de Espana, por Luis-Joseph de Velasquez. Madrid, 1752. — Paralipomènes de l'évéque de Girone. Aix-la-Chapelle, 1545.— OElius Antonius nebrissensis. Aix-la-Chapelle, 1545. — De origine regum Hispanice, F. Tarapha. Anvers, 1553. — Chronique de Jean Vasreus. Cologne, 1577. — Historia general de la Espana, por i. de Mariana. Valence, 1783. nom, les Anciens n'avaient jamais voulu désigner un peuple particulier, mais bien une collection de peuplades de races diverses. C'est a M. Graslin, ex-consul de France à Santander, que nous devons cette thèse bizarre, que j'ai vu, avec regret, adopter par M. Henri Martin dans sa belle histoire.

M. Graslin se demande si véritablement il a existé une race ibérienne?



Il pèse la question, l'examine sous certaines faces, la juge en homme bien convaincu de l'excellence du paradoxe qu'il jette à la face du monde savant, et, d'un trait de plume, efface une race entière de la liste des familles humaines. Les Ibères ne lui apparaissent plus qu'une simple et pure abstraction.

Quelques passages feront connaître sa manière leste de procéder : « H n'y a eu d'Ibères, dit-il, que dans le Caucase : encore est-ce une concession que d'admettre que ce nom ait été donné à un peuple particulier. — Ibcr est un mot générique des dialectes asiatiques qui signifie peut-être grand fleuve; l'Iber était le Tanaïs (Don) ; la terre au-delà de l'Iber s'appelait Ebropa (Europe). Ce fut même ainsi que le nom d'tlœbreus, l'homme qui vient au-delà du grand fleuve, fut donné à Abraham lorsqu'il passa de la Chaldée dans la Mésopotamie; Ibère, Europe, Hébreu sont des mots identiques par le sens. »

Ainsi, n'en déplaise aux Grecs et aux Latins, ils se sont grossièrement fourvoyés le jour où ils appelèrent Iberia la Péninsule. — « II pourrait se faire cependant, ajoute l'écrivain, que les Anciens aient voulu, par une licence poétique, transporter la dénomination d'un pays riverain du Pont-Euxin à l'extrémité de l'Europe occidentale. — Celtibère, Ilberris, Iberus peuvent se traduire Celte de l'Iber, ville de l'Iber, fleuve de l'Iber. » — Mais il y aurait à demander à M. Graslin quel génie l'a si bien initié aux secrets de la poésie grecque jusqu'à nous dire que le mot Iberia, appliqué à l'Espagne, est une pure fiction poétique? Voudrait-il nous montrer sur quelle carie il a rencontré Ilberris (territoire d'Elne, Pyrénées-Orientales), assise sur le fleuve Iberus (Ebre)? Et dans quelle langue il a découvert qu'Ibents signifiait grand fleuve? Le dériverait-il (.l'Heber, passage, en hébreu, ou d'Aber, embouchure en bas-breton?

A la fin de ce travail, que j'oserais qualifier d'excentrique, l'auteur s'aperçoit qu'il a construit sur le sable et s'écrie : « II se pourrait que je ne fusse encore parvenu qu'à émousscr des armes impuissantes contre tous les systèmes ibériens! Ce fantôme que j'ai nommé l'ibérianisme m'apparaît encore (1). «

(1) Essai sur les premières populations de l'Espagne, Paris, 1838.

MIGRATION DES IBÈRES VERS L'OCCIDENT:

Tout le monde s'accorde à reconnaître que ce fut du plateau de VIran, la terre civilisée (par opposition à Touran, la terre des nomades, des impurs), que s'écoulèrent vers le Caucase, et de là sur l'Europe, les différentes familles humaines. Ainsi passèrent successivement et dans l'ordre suivant les IbÈres (Il-berri) les montagnards, les PÉlasges les exilés (ou'gens de mer(i), les Celtes, hommes des forêts (ou vaillants, gela), les Grecs ou anciens (2), les HellÈnes ou confédérés (3) les Rasénes, gens qui jettent la terreur (4j, les Germains ou hommes de guerre (Wehrmanus), les Sarmates ou hommes du nord (sar-mates), etc. Chacun de ces peuples emportait de son berceau primitif quelque chose de l'organisation sociale, des coutumes, de la religion, de la langue.

Les migrations des familles ibériennes sont antérieures à toutes données historiques : elles précédèrent yraïsemblablement celle des Pélasges, que l'on fixe au xxme siècle. Les'Celtes, sous leur dieu Ogham, les rencontrèrent dans la Péninsule en 1600 ; "l'Hercule tyrien (Melcarth), voyageant dans la -Gaule méridionale, à Nîmes, à Massalie, dans les Pyrénées, les trouvait sur son passage. — Quelle route avaient-elles suivie depuis le Caucase jusqu'à nos montagnes? L'histoire reste muette ; elle a laissé mourir dans l'oubli les nations qui n'ont pas su grandir par les armes ou par les lettres.

La géographie ancienne permet en quelque sorte de suppléer à ce silence. —. De l'Hindou-Koh à l'Atlas, elle nous montre, à travers certains noms de pays, de rivières, de peuplades, comme une espèce de parenté ethnographique qu'à défaut de toute indication on doit tenir pour bien précieuse : ce sont de vraies étapes jetées ça et là par des peuples disparus. Ces noms retiennent dans leurs constructions les mêmes affixes, les mêmes postfîxes qui doivent avoir appartenu à la langue d'un même peuple. Les-radicaux qui se reproduisent le plus souvent sont:

Alp ou Alb, blanc.

Ar, vénéré, Arta, chef.

An, Tan, Stan, pays (en sanscrit); etania en basque a le même sens.

Asp, As, Asta, montagne (en sanscrit), asta en basque.

(1) l'ÉtARGoï KaÏ PÉlasgoÏ, les exilés; PelagÏoÏ, les gens de mer.

(2) GraÏcoÏ, dérivé de GraÏoÏ.

(3) Racine Hellas, lien, d'où HeilleÏn, se réunir.

(4) Taraxis, effroi, d'où TarasseÎn, effrayer.

Car, Cer, Cher, Cor, Gor rocher, enceinte fortifiée  certa, cirta.

Pour, Dr, ville (uria en basque).

Si nous voulions, à l'aide de certaines étymologies, de certains rapports philologiques, marquer le chemin suivi vers l'Occident par les Ibères, nous aurions à tracer l'itinéraire suivant :



— Point de départ : Les vallées du Cyrus, de l'Araxe, de l'Argus.

— De là, par le Taurus, le pays des Chalybes, le Bosphore, la Thrace (vallée de l'Hèbre, tribu des Astèques), la chaîne de l'Hœmus, les monts Orbelus, Scardus, la vallée de la Saye, les Alpes illyriennes (les Autariates, les Labéates), le massif des Alpes occidentales, la Ligurie.

—De là, rameaux sur les Apennins, dans l'Italie et les îles voisines.

 — Tandis que d'autres tribus, suivant le golt'c du Lion, atteignent les Pyrénées, se répandent en Espagne, et de là dans la région de l'Atlas.

— Dans ces différentes migrations, ils avaient obéi à cette loi générale qui a toujours poussé les nations vers l'ouest : en effet, eux-mêmes se trouvaient suivis ou pressés par d'autres familles qui les dépossédèrent tour à tour du sol qu'ils occupaient. C'est ainsi qu'ils furent expulsés de l'Asie Mineure par les Pèlasges, de l'Hœmus par les Hellènes, de la vallée du Pô par les Rasènes. Dans la Gaule et dans l'Espagne, ils furent entamés par les invasions des tribus gaéliques (1).

* Principaux dérivés des racines : 1" Alp, Alb : Albanie, Albiga, Liban, mont Albius (Illyrie), Alpes, Apennins, Albères, Atlas (par une transposition de lettres), Altaï, Albana (Caucase), Alba (Italie), Albacette (Espagne).

2° An, Jirta (chef), dans les noms d'hommes : Ariarathe, Artapherne, Artaxercès, Artaban, Artabaze.

Dans les noms géographiques : Ararat, Arie (la terre vénérée), Artagicerta, Artemita, Artaxate, Arsissa (Arménie), Araca (Assyrie), Artace (Pont), Artacoana (Asie), Artemisium (Eubée), Arménie, Araxe (Caucase et Perse), Arachesie, Articène, Arta (Grèce).

Dans la région des Pyrénées : Aracilium, Arocelis, Artajona (Navarre), cap Artabrum (Finisterre), les Artabri, Arta (ville de Majorque).

Dans les pays basques actuels : Argota, Arioriga, Arrazola, Arribu, Arrast, Arraute, Arros, Artéaga. — Ce dernier lieu, situé à quelques kilomètres de St-Sébastien, est le domaine de l'Impératrice Eugénie.

3° Car, Cor, Cher, Cer, Gor, Cirta : Caria, Corsica, les Charades (Colchide), les Carni (lllyrie). les Carduques, Carmania (Perse), Chorasmia, monts Carduques ou Gordyens, Alpes carniques, les Corbières, la roche Chérienne, à l'ouest de Maracande.

Villes : Corès-Carta (Sogdiane), Carura, Gordium (Phrygie), Halycarnasse (Carie), Carussa (sur l'Euxin), Corinthe (Grèce), Cures, Cortyne (Italie), Caralis (Sardaigne), Carmona (Espagne], Carcaso (Carcassonne), Cartena, Carthago (Afrique).

DE  L'A FILIALITION GÉNÉRIQUE DE LA RACE  IRËRIENNE

Les peuples de la race jaune joignaient fréquemment à leur nom la qualification d'hommes, usage fréquent, même chez les peuples de la race blanche (1). Nous signalerons chez les Ibères quelque chose d'analogue : les noms que portent leurs diverses tribus, soit en Espagne, soit en Gaule, soit en Italie, ont un air de famille qui frappe à la première vue et qui donne à penser qu'ils dérivent d'un terme commun, altéré suivant les dialectes, et qui dut servir cTapptllation générique à toute la race.

Je .ne serais pas éloigné de rapporter ce terme au mot sanscrit asp, kasp, qui veut dire montagne, rocher. En Europe, il s'altère et devient asque, ausque, eusc, osgue, olsque, obsque. On le retrouve évidemment dans Basque, Gascogne, Euscualdunac, Huesca, Osci, Tosci, Volsci, Biscaye, Guipuscoa, etc.

La signification de montagnard que nous lui attribuons est non-seulement conforme à celle de ;la racine sanscrite, mais encore convient fort bien à une race qui s'établissait de préférence dans des régions roontueuses, telles que le Caucase, les Pyrénées, les Apennins. Nous pourrions aussi rapprocher cette racine de vasoco, par contraction vasco (sans aspiration asco), vieux mot tiré de l'ancienne langue parlée dans la Péninsule, et qui a la signification de montagne (1). « De nos jours, dit M. Alexandre de Laborde, les habitants du mont Ansena (Espagne) se distinguent par le surnom d'illustres montagnards (2). » En langue basque, bascos signifie montagnard, et biscarra colline (3).

Dans les pays basques : Charritte, Cheraute. Gharriette, etc.

4° Podr, Ur, Uhia. Dans l'Inde : Odeypour, Vizapour, Djeypour, Djoudpour, etc., Pura ouPouhra (Carmanie), Anxur, Tihur (Italie), Huro, Calagurris (Gaule et Espagne).

Chez les Basques : Ur, Urrugne, Ispoure, Urros, etc.

5° Asp, As, Asta. En Orient : Astacène, Assacéniens, Assacanes, Aspiens, Aspasiaces, Astabène, Aspadana,Zariaspe,Daraps (Bactriane), Hydaspe, Hypbasis.

En Occident: Vascones, Basques, Ascarat, Aspe, Astapa, Aaasp (Pyrénées;. — Les formes ose, eusc rentrent dans la même racine.

G" An, Tan, Stan, Etania accompagnent une multitude de noms géographiques:

En Asie : Transoxi-Ana, Drangiana, Sogdiana, Albania, Bactnana, Margiana, Carmania (pays rocheux), Lusiana, Hyrcania (terre des exilés), etc.).

En Europe : Dardania, Athamania, Acarnania, Aquitania, Lusitania, Hispania, etc.

En Afrique : Mauritania, Zeugitania, Tripolitania, etc.

Nous retrouvons cette racine dans les noms modernes : Daghestan (pays des monts), Boutan pour Boddhistan (pays de Bouddha), Farsistan (pays des Parais; Aderbaidjan (pays du feu), Khorasan (pays du soleil), Lezghistan, Chirvan.etc.

Et dans nos provinces pyrénéennes : Gabardan, Lapourdan, etc.

(1) Exemples : Les Toungouses tirent leur nom de Touki, les hommes; les Tchérémisses s'appellent entre eux Mari, les hommes; les Ougro-Russes, Murt (même sens) ; les Athabaskans (tribus d'Amérique), Tnai ou Atna (même sens); les tribus américaines du rameau de Kinai (Amérique russe) se nomment entre elles Tinni, les hommes. Chei les familles japhétiques, nous trouvons les .Suc matei, c'est-à-dire hommes du nord, les Germains, ou hommes de guerre.

Demandons maintenant à la géographie ancienne les traces que la race des Ibères a pu laisser en Espagne, dans la Gaule Bpéridionale, en Italie et en Afrique.

LES IBÈRES EN ESPAGNE:

Le mot iberia, d'après Sylburg, dériverait du gréc Iéros, sacré, qui dépend du temple. — Goropius Becanius le fait venir d'un prétendu mot allemand, eiber, contrée isolée. — Andres de.Poça d'un mot hébreu qui signifie, dit-il, compagnon. — Bochart, de l'hébreu ibrin, extrémité. — M. lharce, du basque ibayeus, peuple riverain. —M. Alex, de Laborde, du biscai'en ibai, fleuve. — Enfin, M. Graslin lui donne ce dernier sens en le tirant d'un dialecte de l'Asie (4)

Iberia, que je proposerai de lire I-berria pour Ii.i-berria, se compose de la préfixe  ou II, qui accompagne tantôt les noms des tribus, tantôt ceux des villes comme une espèce d'article, ou peut-être comme un qualificatif. Exemples: Ilergètes, Ilerdons, Ilercaons, Iliberris, Eliberris, Ilumberris, etc. A cette préfixe est joint berna ou beria, qui signifie en basque actuel contrée. Cette racine berri se lit dans une multitude de localités de notre région pyrénéenne. Exemples: Berrogain, Ibarre, Iriberry, Lecumberry, Beyrie, Hibarrette, Barry, St-Ybars, Berraute, etc.

Outre le nom d'iRERiA, la Péninsule portait celui à'Hispanie d'où est venu Espagne. Que d'étymologies singulières n'a-t-on pas construites sur cette appellation? Si l'on s'en rapporte à Varron, on la doit au dieu Pan. Suivant Justin, au roi Hispalis.

(1) Histoire de Navarre, par Jean de Moret.

(2) Itinéraire de l'Espagne, par Al. de Laborde.

(3) Gramm. escuara, par Astarloa.

(4) Xagn. etymolog., par Sylburg. Leipzig, 1826.— De la entiyua lingua, par A. de Poça. Madrid, 1587. — Bochart, le Phaleg.

Saint Isidore de Séville en fait honneur à la ville d'Hispalis, sa patrie. Bullet l'emprunte au celteSpaign, chêne vert; Bochart à l'hébreu span, lapin ; M. Iharce au basque espaina, lèvres, de ce que les habitants de la Péninsule parlent le même langage (1).

Mais j'admettrais volontiers plutôt que cette dénomination a été prise de la nature physique du sol. Je la rapporterais au motVastillan span ou ispan, pays montueux (2). Je ferai remarquer qu'Espana garde la postfixe iranienne an, pays, qui s'est ajoutée à la racine es, contractée d'escu, montagne, d'où Hispania, Espana, escuana sont des mots identiques qui signifient pays de montagnes. Ces contractions sont fréquentes dans la langue basque, qui supprime souvent des syllabes entières en composant les mots (3).

La partie septentrionale de la Péninsule était désignée par les Romains sous le nom de Cantabria, contraction évidente de canta-berria, le pays des chanteurs (cantatorum berria), d'où cantator-ber, cantaber, le chanteur ibérien, le Cantabre. Dans les Pyrénées occidentales, khantaber conserve le sens de chanteur. Déjà, en effet, les Anciens avaient admiré la beauté mâle des voix de ces montagnards qui chantaient, nous dit Strabon (4), au milieu des supplices les souffrances qu'ils enduraient. Le goût philharmonique s'est perpétué chez leurs descendants, et nos villes tressaillaient naguère aux accents mélodieux des quarante montagnards de nos vallées pyrénéennes.

ANCIENNES TRIBUS DE L'IBÉRIE:

Les premiers documents sur cette contrée nous viennent des Grecs. Ils nous la représentent habitée par des peuplades attachées au sol, bâtissant des maisons couvertes en tuiles et disposées d'après les règles de l'art. Hérodore d'Héraclée, contemporain d'Hérodote, nomme leurs six principales tribus : « Les Ibères, dit-il, sont issus les uns des autres; ils sont partagés en tribus qui ont chacune leur nom : les Cynètes ou Cunètes(5) occupent la partie extrême de l'Occident; les Glètes (6) tirent vers le Septentrion; on trouve aussi les TartessisÇl), les Elysiniens, Elbysiniens, Elousiniens (1); les Mastiènes ou Mastiniens (2); les Calpians ou Kaikians (3). — D'autres écrivains grecs ajoutent à cette nomenclature incomplète et incertaine, comme l'annoncent les hésitations des transcriptions, les Perses, les Sicanes, les Sicores, les Sicules, les Itales, les Osipes, les Iglèles (4). Cette première liste, dans ses incertitudes, mérite néanmoins l'attention. Les Cunètes ont communiqué leur nom au Cuneus (\esAlgarves); les Glètes ou Gnètes rappellent les Ignètes ou Gnètes de la Crète, tribu pélasgique qui adorait le feu (5); ces Glètes, qu'Hérodore place au Septentrion, n'auraient-ils pas laissé leur nom à la Giy, petit fleuve du Roussillon? Les Tartessis indiquent moins un peuple qu'une ville (Gadès, Cadix). Les Elysiniens ne diffèrent pas par le nom des Elysices, des Elusates, tribus de l'Aquitaine. La forme du mot Mastiniens se rencontre dans Moténiens, nation du Caucase. Celle de Calpians dans Albains, Albanais, peuplades du Cyrus, de l'illyrie et de l'Italie. Les Sicanes, les Sicules, les Osipes nous reportent à l'Italie. Que l'on ne s'étonne donc pas de ces ressemblances entre les noms des peuples du Caucase, de l'Aquitaine et des deux Hespéries ; elles ne sont pas fortuites. Strabon confondait dans une commune origine les Ibères et les Aquitains (6); Pline (7) remarquait qu'Eschyle donnait le nom d'Ibérie à la vallée de l'Kridan; Plutarque (8) appelait les habitants de l'Italie septentrionale les Ibères de la nation celtique. A l'époque romaine, il n'est plus question d'aucune de ces peuplades,,sauf des Cunei, soit qu'elles aient été absorbées par d'autres tribus, soit qu'elles se représentent à nous sous des noms nouveaux. Voici le tableau des principales tribus ibériennes de l'Espagne au temps des Romains:

Ausetani. Ceretani. Lobetani.

Bascargetani. Edetani. Laletani.

Bastitani. Ilumbenïtani. . Oretani.

Contestant. Jaccetani. Sedetani.

Carpetani. Lusitani. Suessetani.

Cosetani. Lacetani. Turdetani.

(1) ElusinioÏ Kai ElbosinioÏ KaÏ Eloosinkh.

(2) MastionoÏ KaÏ MastinoÎ.

(3) KalpianoÏ KaÏkaÏkianoÏ. — De Hercule, Apud Constantinum porphyr.

(4) Aristote, Strahonjm, Pline.

(5) Ignis, racine. GuignomaÏ, engendrer.

(6) Livre iv.

(7) Livre xsivi.

(8) Vie de Xarcellus.:

Vascitani. Bastules. Olcartes.

Artabri. Cempsi. Turdules.

Arrevacci. Cantabri. Pésiques.

Àstu'res. Characcni. Vascones.

Beturii. . llergètes. Vaccéens.

Baléares. fridigètes. Veltones.

BerguSii. Itefcaones. Oscellenses.

La racine iranienne An, Tan, Stan, que nous avons signalée dans Hispania et qui est si commune dans les noms géographiques de l'Orient, tels que Bactriana, Margiana, Hyrcania, Sogdiana, etc., nous la voyons se reproduire dans une vingtaine de noms de tribus de l'Ibérie.

Nous retrouvons également la racine Asc, ose, Kus.c dans Bastules, Vascones, Oscellenses; dans Ossonoba, Osca, Asturica, Ausona, Oscellum, Escua, Usina, Aruscia, Tusci, Hanosca, Sucosca, Oscellis, etc.

La racine Ar, Arta, dans Artajona (Navarre), Arta (Majorque), Artabri, peuplades qui vivaient auprès du promontoire Artabrum (cap Finisterre).

La racine un, dans lluro. Ilurbida, Illurcis, IlLiturgis, Calagurris, Beturia.

La racine Car, Cor, Cher; dans Carpesii, Carpetani, Carteia. Corduba, Charidcmum (cap Gâta).

2° LES IBÈRES EN GAULE:

En Gaule, deux régions leur sont attribuées : 1° au sudouest, l'Aquitaine, 2° au sud-est, la Ligurie.

AQUITAINE:

Saint Jérôme nous apprend que de son temps les Aquitains se vantaient de descendre des Grecs doriens. Ils racontaient que l'Hercule idéen, naviguant dans les mers de l'Atlantique vers 1550 avant notre ère, fut poussé par les vents à l'embouchure d'une rivière de la Gaule, où il s'arrêta pour fonder la ville de Dora, qui communiqua son nom au fleuve Adour. Mais on sait à quoi s'en tenir sur ces prétendus Hercules grecs: le plus judicieux historien de l'antiquité, Hérodote, affirme que le samien Colœos(v. 630) fut le premier Grec qui ait paru dans les mers occidentales. D'ailleurs, les Doriens de la Grèce sont les DÔRiRus, DÔriés, DÔkiÔnés, tandis que les habitants de la colonie de Dora sont les Dôriéens, DÔriéés, qui n'appartiennent nullement à l'Hellade, mais bien à la contrée du Liban, et qu'il faut aller chercher près du mont Carmel, entre Ptolémaïset Césarée. Là s'élevait Dor, ville phénicienne dont les Israélites ne purent s'emparer, et que le roi Antiochus Sidète assiégea plus tard. L'époque où ces colons phéniciens abandonnèrent leur cité coïncide avec les luttes des Cananéens et des fils de Jacob, c'est-à-dire vers le règne de Josué (1605-1580) ; ils durent être attirés vers la région pyrénéenne par les bruits répandusen Orient touchant les dépôts aurifères de ces parages; ainsi, denos jours, beaucoup d'hommes aventureux se pressent sur les chemins de la Californie et de l'Australie pour conquérir la fortune (1).

Ainsi faisaient les Phéniciens. Le souvenir de leur passage se retrouve dans tous nos pays pyrénéens : village de Dores (Pyrénées-Orientales), val d'Andorre, villes d'Ador (Aire), d'Andorre, aujourd'hui St-Lezer (Hautes-Pyrénées), fleuve d'Adour. La Bidassoa s'appelait primitivement Magrada, nom punique qui ne diffère pas de celui de Bagradas, aujourd'hui Megherda (fleuve de la Carthaginoise). C'est vers ces lieux que [la mythologie plaçait les aventures semi-historiques de l'Hercule tyrien et de la belle Pyrène. Peut-être l'endroit dit aujourd'hui le fort Succoa ou Soccoa rappelle-t-il l'emplacement d'un succoth-venoth (temple à Vénus chez les Phéniciens), comme il devait s'en trouver un à l'extrémité des Pyrénées-Orientales (le Portus Veneris). Près de Carthage, non loin du fleuve Bagradas, il y avait pareillement un succoth-venoth (sicca-venerea).

J'aurais encore à signaler l'influence phénicienne dans les Pyrénées, sans pour cela supposer un instant que les Aquitains soient les fils de Tyr. Car bien loin de là, l'histoire, la géo-graphie, la philologie nous les représentent comme une famille ibérienne.

« L'Aquitanie, nous dit Pline (2), est ainsi nommée des nombreux courants d'eau qui l'arrosent. » Cette explication est bonne ; la langue basque la justifie pleinement. La décomposition du mot Aquitaine donne, d'une part, la racine Acqs, eau,— de là Dax (Aquœ Tarbellicœ), appelée en basque Acqs ou Acquise, — de l'autre, la postfîxe etania, pays, d'où Acq-etania signifie pays des rivières.

Cette contrée renfermait environ 70 peuplades; plusieurs d'entre elles appartiennent, par la physionomie de leur nom, à la race gallique, qui se répandit avec le temps dans les vallées de la Garonne et de la Dordogne.

(1) St-Jérôme, EpUre aux Galates. —Timagène, Apud Am. Marcellinum. — Strabon Xvh, Pline v. — Etienne de Byzance. - FI. Josèphe.

(2) LivreI

TRIBUS COMPRISES DANS L'AQUITAINE

THims. EMPLACEMENTS.

Anagnates Agnos (Basses-Pyrénées).

Aspiates Vallée d'Aspe (Basses-Pyrénées).

Bercorates Biscarosse (Landes).

Cocosates (vel Coasetani) Caussèques (Gironde).

Datiates Dax (Landes).

Elusates Eausan (Gers).

Garites Pays de Gaure (Gers).

Lactorates Lectoure (Gers).

Latusates Département du Gers.

Olobrisates Oléac (Hautes-Pyrénées).

Onebusates Nébouzan (Hautes-Pyrénées).

Osquidates campi Ossun (Hautes-Pyrénées).

Osquidates montium Vallée d'Ossau (Basses-Pyrénées).

Sennates Sennac (Gers).

Sibuzates Saubusse (Landes).

Sibyllates Pays de Soule (Basses-Pyrénées).

Sotiates Sos (Lot-et-Gaionne).

Sedibonlates Sebi (Basses-Pyrénées).

Tarusates Tursan (Landes).

Tolosates Tonlousan (Haute-Garonne'.

Tomates Tournay (Hautes-Pyrénées).

Vasates (vel Cossu) Bazadois (Gironde).

Vellates La Valette (Charente).

Albici Tarnis Alby (Tarn).

Arrevacci Arreau (Hautes-Pyrénées).

Aquitani Pays d'Asque (Gironde).

Auscl Pays d'Auch (Gers).

Bigerrones Bigorre (Hautes-Pyrénées).

Belendi Béarn (Basses-Pyrénées).

Beneharnenses Béarn (Basses-Pyrénées).

losci (Bituriges) Pays de Buch (Gironde).

Cadurci Quercy (Lot).

Cambolectres Cambo (Basses-Pyrénées).

Campani Vallée de Campan (Hautes-Pyrén.).

Consorrani Le Conserans (Ariége).

Convenue Comminges (Haute-Garonne).

Gabali Javoulx (Lozère).

Garumni Pays de Garonne.

Helvii Garumme Pays de Garonne.

Lapurdenses Labourdan (Basses-Pyrénées).

Meduli Gar Médoc (Gironde).

Monesl Monein (Basses-Pyrénées).

Onezll Oian (Basses-Pyrénées).

Oscellenses Pyrénées-Occidentales.

Petrocorii Périgord (Dordogne).

Preciani Préchacq (Basses-Pyrénées).

Rusticani Rabastens (Hautes-Pyrénées).



Soldurii Pyrénées-Occidentales.

Succasses Succos (Basses-Pyrénées).

Sassumini Pyrénées-Occidentales.

Samnites Vallée de la Sevre niortaise.

Tarbelli Tarhes (Hautes-Pyrénées).

Tascones Pays d'Asque (Gironde).

Vascones Pays basque (Basses-Pyrénées).

Vacces Montagne de Vassia (Basses-Pyr.).

Volscani Pays de Garonne (Haute-Gar.).

Remarques:

1°La postfixe Atf.s accompagne le nom de 23 tribus. C'est la traduction latine de la forme Ac, signe de la pluralité dans la langue basque.

2° La racine os, Asc. se retrouve dans Oscellenses, losci, Aspiates, Ausci, que l'on peut écrire indifféremment Osci.

3° La racine Alb, dans Albici.

4a La racine Ar, dans Arrevacci.

Plusieurs des noms de ces tribus se reproduisent -ailleurs: on trouvait des Cossœi en Médie; des Aspiates au pied de l'imaùs; des Aspasiaces sur les bords du lac Oxien ; des Gabali des Casci, des Samnites, des Volsci, des Osci en Italie; des Vaccœi, des Arrevacci, des Cossetani, des Vascones, des Tarbelli, des Pelendi en Espagne.

Les formes des noms des villes de l'Aquitaine se rencontrent également dans les deux Hespéries. — Exemples : Cassa, Cocossa, Losa, Cossio, Mosconum chez les Cocossates et les riverains de la Garonne; Aspaluka chez les Osquidates; Tarasconium chez les Consorrani ; Ausci vel Ilimberris (Auch) ; Oscellum; Elusaberris (Eauze) ; lluro (Oloron), etc.

Dans les dénominations actuelles des lieux, dénominations qui, du reste, ont leur raison dans les temps anciens, nous retrouvons encore cette même parenté.

C'est ainsi que la postfixe An s'est conservée dans Nebouzan, Lavedan, Tursan, Marsan, Gabardan, Lapourdan, Donezan, Toulousan, Gévaudan, Luzan. Lannemezan, Rustan.

La racine Asc, ose, dans Ossas, Osserain, Hosta, Ascou, Asques, Ascarat, Asasp, etc.

La racine Ar, dans Arros, Arrau, Arrens, Arrauntz, Arraute, etc.

La racine Berri est employée comme affixe ou comme postfixe dans Berrogain, Serrante, Iriberry, Larribar, Ostaberez, etc

La racine Car, dans Cliarritte, Cheraute, Caro, Lacarre, Etcharry, Licharre, etc.

La racine un, dans Urt, Un, Urr, Ur, Ispoure, Sorhapuru, Urrugne, Ciboure, etc. (Cette forme rappelle les noms indiens de Serampour, Djeypour, Visapour,elc.)

La terminaison persane abatl, maison, revient dans certaines appellations des Pyrénées : vallée de Lantabat, pays d'Aunbad, de Gabat, â'Ostabat.

Quant aux tribus d'origine gallique, c'étaient les Bituriges (Bourges,', les Boii (le Bourges,', \esLemovices (Limousin), les Burdigallenses (Bordelais), les Arverni (Auvergne), les Nitiobriges (Agénais), les Ruteni (Rouergue), les Santones (Saintes), les Umbranici (Ambres, Tarn), les Venanes (Bénanges, Gironde). Entre Toulouse et le Rhône habitait la grande nation des Voici ou Volgœ {Bolgs, Belges, lef batailleurs), qui avait envahi la Gaule méridionale l'an 320. Elle se divisait en deux tribus : à l'orient, les Volgœ artacomices (ou arecomices), à l'occident, les Volgœ tectosages.

Ligurif.:

Dans là langue basque, lli-gor veut dire peuple de la montagne; Gore, chez les slaves, a aussi le sens de montagne. Cette appellation convenait à des peuplades qui étaient répandues des Cévennes aux Apennins. La Ligurie, dans ses limites primitives, s'étendait des Pyrénées orientales à la rivière de Gênes; elle contenait une quarantaine de tribus dont les unes étaient d'origine ibérienne, les autres d'origine gauloise.

TRIBUS COMPRISES DANS LA LIGURIE  et EN ITALIE.

Ambilates Département du Rhône.

ueciates Vence (Var).

Quariates Queyras (Hautes-Alpes).

Nantuates Nantua (Ain).

Bebryces Aude.

Elysices S'rPier.-d'Elzonne (Aude).

Albiœci Alpuin Albiosc (Basses-Alpes).

Anatilii Bouches du Rhône.

Atacini Aude.

Cavares Cavaillon (Vaucluse).

Garocelli i... Alpes.

Helvii Alpum Alpes.

Helvii Cebeunarum... Alps (Ardècke).

Emburiates.

Cerdiciates.

Célélates.

Casmonates.

Ilvates.

Hercates.

Friniates.

Apuans.

Ingaunes.

Intémè!es.

Magelles.

Gariles.

Medulli Àlpum Basses-Alpes. Statielles.

Nerusii Var. Vibelles.

Oxubii Var. Vagiens.

Sallyes, Salluvii Seillons (B.-du-Khône). Venènes.

Sardones Pyrénées orientales. Veliantiens.

Ceretani Cerdagne (B.-du-Rhône).

Suelteri Esterel (Var).

Vertacomiri Vercors (Drôme).

Viberi Vallais.

Tricorii Triors (Drôme).



Remarques: La postfixe Ates accompagne le nom de 11 tribus. L'île de Sardaigne nous offre des Sardones; la Bithynie des Bébryces; ce pays s'appelait Bithynia ou Bebrycia. — Massalie tirait son nom des Salyenses ou Massiiienses, tribus que nous revoyons en Afrique dans les Massylieuses.

Les principales villes de la Ligurie, c'est-à-dire de tout le littoral des golfes du Lion et de Gênes, étaient Roscino (castelRuscino), Hiberris (près d'Elne], Cancolliberris (CollioureJ, Narbo, Carcaso, Cessera (St-Thibéry), Beterra (Béziers), Tarasco (Tarascon), Caristum (Caroso), Asta (Asti), Dertona (fortone). Alba-Pompeia (Alba). — Tous ces noms nous reportent vers la langue ibériennne.

Les tribus de la famille gallique en deçà des Alpes étaient les Antobroges, Centrones, Allobroges (Savoie), Aventici (Avançon, Hautes-Alpes), Brigantini (Briançon), Brodontii (montagne de Brodon, Hautes-Alpes), Caturiges (Turriers, Hautes-Alpes), Commune ( Var), Ebroduntii (Embrun), Memini (les Mées, BassesAlpes), Seduni (Vallais), Segalauni (Drôme), Segobriges (Bouches-du-Rhône), SerUiz (Basses-Alpes), Tricastini (le Tricastin), Tricolli (Trescloux, Hautes-Alpes), Vallenses (Vallais), Veragri (Vallaisj, Vocontii (Vocance), Vulgientes (Voix, Basses-Alpes), Volgœ artacomices (bassins de l'Orb et de l'Hérault).

3° LES IBÈRES EN ITALIE:

Dans l'origine, le nom d'Italie, Italia, le pays des bœufs Italos, était appliqué par les Grecs à quelques cantons de la Calabre. La Péninsule se nommait Ausonie ou Opique. Alors les Albani, lesSicanes, les Ligures habitaient au nord; les Osez, Opici vel opsci au centre et au sud. Osci servait (1) de terme appellatif pour toutes les tribus ausoniennes (2). Or, ce terme Osci n'est autre que l'appellation patronymique de toute la race ibérienne. En Italie, nous le trouvons sous les deux formes : Osci, Tosci. Paulus croyait que Tosci dérivait du grec Duscolon, difficile; il commentait cette étymologie, en disant que les Tosques ou Toscans vivaient dans un pays défendu naturellement par la chaîne des Apennins. Servius(l) le tirait delà superstition des habitants; de Thuei'n, faire des sacrifices. Le même ajoutaitqu'osque venait du grec Ophis, serpent, ne s'apercevant pas quec'était une prononciation adoucie de la même forme. Les peuples de la Toscane étaient désignés sous les noms de Etrusci, Tuosci Aut Tosci, Tyrrheni, Etrurii, Rasena. Ces dénominations peuvent être ramenées aux trois suivantes: 1° Etrusci et Toscit formes de l'appellation ibérienne Osci; 2° Tyrrheni, btrurii, où se rencontre la racine pélasgique ou grecque de Turris, porte, tour, que l'on aperçoit dans Turrena, Vulturna, Volturnia, etc. Les Grecs appelaient ainsi les Toscans de l'usage suivi par ces peuples d'entourer leurs villes de palissades et de tours (2).

Or, les Tyrrheni, au rapport de Thucydide, appartenaient à la famille pélasgique; c'était aussi l'opinion de Denys d'Halycarnasse qui, s'appuyant sur l'autorité de vieux auteurs, affirmait que plusieurs tribus pélasgiques, après être passées de Grèce en Italie, se donnèrent le nom de Tyrrhéniens (3). V. "Ï.non II cite à ce propos ce passage dutchœur leophole : « Inavous qu'on honore dans les champs argiens, sur la colline de Junon et chez les Pélasges-Tyrrhéniens (4).



(1) Niébuhr, Histoire romaine. — Amédée Thierry, Histoire des Gaulois.

(2) OEneide, vu.

"CHÈ, PATRÔS ÔKÉANOU, MÉGA PRESISWÔN AREHOBS TE GlfAIS, HÈRAS

TE PAGOÏS, KAÏ TUREVOÏS PELASGOÏS. » — Inach, fVtltvittftGa&tU,

Ainsi, nous trouvons en Toscane deux familles juxtaposées: 1°les Oscî ou Tosci, rameau ibérien 2. les Tyrrheni, rameau pélasgique. Maltebrun(S) regardait les Osci comme une colonie d'Ilergôtes; A. Balbi (6) les classe également parmi les Ibères avec les Turdétans, les Cantabres, les Carpétans, les Vascons, les Celtibériens, les Astures, les Turdules, les llergètes et les Aquitains. Au reste, la tradition désigne les Tusques comme les descendants de Thubal, qui, dans la Bible, personnifie les Ibères. Suivant la mythologie, la Toscane reçut son nom de Tuseus, fils d'Hercule de Libye et d'Araxa; filiation remarquable en ce que l'Araxa est une des rivières de l'Ibérie du Caucase (!)

(1) Aristote, Politique, iv.

(2) Denys d'Halycarnasse, i.

(3) Apollonius, Hellanicus de Lesbos, apud Dionys.

(4) PÉri InachÈ, liv. i.

(5) Géographie universelle.

(6) Atlas ethnog.

Quant aux Rasena, ils appartiennent à une de ces branches de la race iranienne d'où sortirent les Hellènes et les Germains. Ces peuples entrèrent en Italie par les Alpes rhétiques (v. 1340). Plusieurs croient que Rasènes et Rhètes ne sont que la forme du même nom. Le souvenir de l'établissement de cette famille dans la vallée de l'Arno a été conservé par les artistes toscans. On reconnaît sur les monuments les nains Scandinaves, le marteau de Thor; les personnages représentés sur les vases et sur les bas-reliefs sont ordinairement des hommes de petite taille, avec de gros bras et une grosse tête, ce qui faisait dire à Virgile : « Pinguis Tyrrhenus (2), » et à Catulle : « Obesus Etruscus. » Niébuhr signalait, dans son Voyage en Italie, l'origine montagnarde empreinte sur le visage des habitants de Florence (3).

Non seulement les Vascones (Espagne), les Ausci (Aquitaine), les Tosci (Toscane) retenaient dans leurs noms l'appellation générique de la race, mais encore on la rencontrait en Italie dans les noms des Osci vel ausci proprii, des Olsci, et avec le digamma Volsci, Volscinii, Volscentes, Volcicii. Les Volsques formaient trois peuplades : Eccetrani, Pometrani, Antiates, dénominations qui accusent les postfixes An et Ates (4).

Je rangerais volontiers dans la famille ibérienne les Falisci, les Marses dits Tusci, les IMuruscini, les OEqui vel Esqui (Osquidates chez les Aquitains), les Casci (Succassi chez les Aquitains), lesSamnites, \esSabins, Sabelliens, les Hirpins, les Elysci vel Elosci (tribus qu'on retrouve en Espagne et en Aquitaine), les IIcrniques (Guernica en Espagne;, les Caraceni (Characeni dans la Tarraconnaise), les Calabri (contracté de Calaberri).

Bien des lieux retenaient la forme osci : Esculetum, Cosconius, Tusculum, Volscii, Volsculus, Osca, Cosca, Oscella, Asculum, Astur (Latium), etc. Les canaux du nord de l'Italie se nommaient a&conio fossa.

Dans les îles, les rapprochements à faire ne seraient pas moins nombreux:

1° En Corse : tribus des Opini, des Cunetes (les Cunei en Espagne). Villes, Opicum, Ropicum, Oscinum, Charax (les Characeni en Espagne), Clunium (Clunia, ville de Gallice).

(1) Talmud de Babylone et de Jérusalem, Josèphe, i.

(2) OEneide, iv.

(SJ Walckenaer; M. Edwards, Caractères physiolog. des races. (4) Festus Pompeius, i, Sirabon, Pline, Ptolémée, Etienne de Byzance, Aristote, Politique.

2° En Sardaigne : tribus, les lolaï (fils d'ilion), les Balares, (les Baléares en Espagne). Villes, Osca, Macopsisca, Nora (fondée par l'ibérien Norac, venu de la grande Hespérie.

3° En Sicile : tribus, les Sicanes, les Sicules, qui apparte naient à la famille Osque, dont ils parlaient la langue (1). Villes: Cosa, Tapsus, Hyperia (que l'on peut lire Yberia), sur le fleuve Hipparis (Hibbarisj.

Enfin, nous ferons remarquer que la racine Ur se retrouve dans Stura, Anxur, Urias, Tibur, Dwnafla Doire).

La racine Beriu, dans Sybaris post Thurium, Barium (Bari), Tiberis.

La racine Au, dans Aro, Arsia, Arpinum, Arretini, Arretium, etc.

La racine Cor, dans Cora, Corioli, Cortona, Corfinium, Cerites, etc.

La racine Alb, dans Alba-Longa, Alba-Fucentes, AlbuntisMons, etc.

Les noms de la géographie ancienne de l'Espagne et de l'Italie offrent des similitudes si frappantes que je ne puis me dispenser d'en offrir quelques exemples:

ESPAGNE. ITALIE:

Vettones, p Vettonenses, p.

Turdetani, p Turda, v.

Cosetani, p Cosa, v.

Mantua, v Mantua, v.

Ausa, v Osa, v.

Spoletinum, v Spoletium, v.

Visentio, v Visentium, v.

Veluca, v Vulci, v.

Taraco, v Tarcunia, v.

Tencbrium, v Contenebria, v.

Sicanes, p Sicanes, p.

Asta Regia, v Asta, v.

Ëlysci, p Elosci, p.

Astures, p Astures, p.

Calagurris, v Calagorris, v.

Osci, p Osci, v.

Il serait aisé d'établir une foule d'autres rapprochements. C'est ainsi que l'on trouverait une Valentia en Espagne, en Gaule, en Sardaigne ; une Florentin en Italie, en Aquitaine, etc. De Humboldt a publié, dans le Mithridatesd'Adelung, une vieille chanson basque dont il reste U couplets. Elle a été découverte en 1590 par Ibanez de Ibarguen; le thème roule sur la guerre d'Auguste contre les Cantabres. Le poète célèbre les exploits d'un chef appelé Vchin, auquel la tradition attribuait la fondation d'Urbino en Italie. — « II est singulier, dit l'illustre académicien, que le nom d'Urbino soit un mot basque qui signifie ville entre deux eaux, et qu'il y ait en Biscaye une ville d'Urbina.» Pour moi, j'avoue que je ne partage pas cet étonnement; je ne vois en cela qu'un rapport de plus à signaler entre l'Italie cl l'Espagne.

1° LES IBÈRES EN AFRIQUE:

La race des Ibères s'étendit au-delà des colonnes d'Hercule, en Afrique, dans la région de l'Atlas; elle s'y présente à nous avec les Kerbères, dont le nom semble être un diminutif de celui d'Ibère.

La postfixe An accompagne presque toujours le nom des provinces.— Exemples : Zeugilania, Tripolitania. Mauritania, Byzacenia, Tingilania.

Tribus : Les Austurienses rappellent les Asturicani du Caucase, les Asturcs de l'Espagne. Les tlassyliens et les Massasyliens, les Massilienses de la Ligurie. Les Sardo, les Sardes (Sardaigne), les Sardones (Pyrénées-Orientales), etc.

Villes : La structure de leur nom est conforme à ce que nous avons déjà rencontré. — Exemples : Tusca, C.apsa, Thapsus, Tubuscum, Ruscurru. Dans cette dernière, remarquons la postfixe un, qui s'aperçoit dans Baniures, une des tribus de l'Alias.

Je conclurai donc de tout ce qui précède : 1° que les Ibères composaient une grande famille, originaire du Caucase ; 2° que cette famille s'est fixée, comme le démontrent l'histoire et la géographie, en Espagne, dans l'Aquitaine, dans la Ligurie, en Italie et en Afrique. Il me reste maintenant, pour compléter mon sujet, à m'étendre sur l'origine des Basques, le plus célèbre des peuples Ibériens, et à dire quelque chose des mœurs et de la langue de ces différentes nations.

ORIGINE  DES  BASQUES:

Les Basques ou Vasques (Vascones) sont un vrai sujet d'étonnement. Lorsqu'on cherche à les ranger dans une classification ethnographique quelconque, on demeure tout surpris de les voir échapper à toute analogie avec les peuples de l'Europe, sous le rapport des traditions, des mœurs, surtout -Je la langue. Les Basques forment une masse d'environ 570,000 individus répartis dans les arrondissements de Mauléon et de Bayonne (160,000 habitants), et dans les provinces d'Alava, de Guipuscoa et de Biscaye (410,000 habitants).

Ce furent d'abord les écrivains espagnols qui tentèrent de s'expliquer leur origine : Hervaz les 'considérait comme le peuple primitif du globe, la souchede toutes les nations, les inventeurs de l'écriture et de l'alphabet, qu'ils transmirent aux Grecs (1).

Erro d'y Aspiroz et Zuniga se rangèrent à cet avis; rien de plus follement ridicule que les étymologies qu'ils arrachent du basque : ils font venir Ecosse dEscu-Ossia, main froide; Irlande d'Jralandia, près des fougères, etc. (2).

Montuenga fait arriver les Basques avec le flot de la grande invasion du v« siècle. Suivant lui, la langue de la Péninsule s'est formée du mélange du vieil espagnol avec le phénicien (3).

Entre ces avis divers, un écrivain du versant français des Pyrénées, M. Ihar-ce de Bidassouet, n'a pas hésité à reprendre dernièrement la thèse en faveur do l'antiquité de ses compatriotes, l'embellissant de ses propres extravagances, comme on en pourra juger par l'analyse suivante:

Les Basques sont, d'après lui, la tige de la race humaine : les noms propres que l'on rencontre dans la Bible, tels que Adam, Eve, Noé, Josué, ont leur racine dans la langue emcaria.a Si les historiens, dit-il, s'étaient appliqués à Tétude de cette langue, ils ne seraient pas tombés dans des erreurs aussi graves que celle d'admettre l'existence des Zeltes et des Zeltibères; on ne peut se refuser d'y voir des tribus basques, car leur nom est tellement basque que le quartier que j'habite se nomme Zélaï, ce qui signifie plaine ; Zelte veut dire peuple de la plaine ; Zcltibère, plaine abondante en chevaux. » C'est ainsi que M. lharce conclut à l'origine basque des Celtes parce que le quartier qu'il habite se nomme Zélaï. Avec un procédé aussi commode, il nous rendra compte de toutes les dénominations géographiques; il ne sera pas embarrassé de nous affirmer que Volga veut dire célèbre; Dvina, celle qui a; Tanai's (le Don), suis-je; Suecia (la Suède), feu vert; Andros, madame-mâle, à cause de sa fécondité. Le reste est à l'avenant. Pourquoi l'auteur s'arrêterait-il en si belle route? Il faut bien que les villes de France tirent aussi leurs noms de la langue basque. En douterait-on un instant lorsqu'il nous dit que Lutèce vient de Lot' hesia, qui s'attache au gluant; Versailles, de bertz-guilea, fabricant de chaudières; Orléans, d'aw elia, tout ceci; Luçon, de Luzon, bon et long. — Assez, fermons ce livre bizarre où le merveilleux le dispute au ridicule, et où nous apprenons que l'an 535 après le déluge, le basque Taras, fils de Noé, fonda la monarchie des Cantabres sur laquelle régnèrent Géryon, Osiris, Hercule, Atalante et Siculc (1).



(1) Catalogo delie lingue conosciute, par Hervaz. Cesena, 1784.

(2) Alfabeto primitive di Espana, por Erro d'y Aspiroz.

(3) Censura critica di alfabeto primitive de Espana, por Cura de Montuenga. Madrid, 1806.

DE  L'ORIGINE  PHÉNICIENNE  DES BASQUES:

Doit-on induire de la présence des Phéniciens dans la région pyrénéenne que les Basques soient de race phénicienne? Le Bastide a composé une dissertation pour le prouver, et il tire ses deux plus forts arguments des armes du roi de Navarre et lia jeu de Marelles.

« Le roi de Navarre, dit Oihenart (2), porte pour armes une escarboucle entourée de petits globes ou médaillons, dans une mer phénicienne d'or, au cœur vert (3). Ces armes contiennent 9grands cercles et 36 petits; ce sont des nombres religieux où figurent les multiples de la mystérieuse Trinité. » — Les Basques, ajoute La Bastide, se servent depuis les temps les plus reculés d'un jeu qui ressemble beaucoup à ces armes, et dont voici la ligure:

(1) Histoire des Cantabres. Bayonne, 1825.

(2) Manuscrit de 1380. Apud notitiam Vasconia. Paris, I656.

(3) Navarrœ regis scutum quadripartitum, altera pars Phœnicea carbunculo aureo, sphœrulis distinctis impressa, in meditullio prasino smaragdi specie secta, etc.

Tyr est indiqué au centre par l'escavboucle, les médaillons représentent ses colonies; si l'on fait abstraction des lignes, il ne reste plus que des îles, c'est la mer phénicienne, au cœur vert; de là, le nom de mer des îles, las marellas, la Marelle.

Mais je le demande, faudra-t-il admettre sur ces raisons ingénieuses que les Basques descendent des Tyricns? Autant vaudrait-il dire que les Africains septentrionaux sont de race phénicienne, parce que nous trouvons chez eux les colonies tyriennes d'il tique et deCarthage; ou bien que les habitants de l'Algérie sonlFrançais-d'origine, parce que nous rencontrons chez eux les villes françaises de Philippeville, d'Orléansville, de Nemours, etc. Ne savons-nous pas, l'histoire en main, que ces fameux navigateurs de l'antiquité exploraient tous les rivages jetaient cà et là un temple, un comptoir, une ville pour augmenter soit leurautorité, soit leur commerce?

—Rien de surprenant de rencontrer une de leurs stations au pied des Pyrénées, de découvrir dans quelque souvenir les vestiges de leur séjour.

Je lis dans un extrait des archives de St-Jean-de-Luz, par par M. François St-Maur (1), une note tendant àprouver que les Basques sont d'origine grecque. Je la cite in extenso: « Selon Strabon, les Basques avaient pris beaucoup de coutumes et façons des Grecs : ils avaient même donné des noms grecs à leurs villes et montagnes, ayant apparemment reçu des Grecs parmi eux et tiré leur nom du mot grec baskiein, qui signifie aller Dite; nom qui se rapporte à leur vitesse, à leur légèreté et à leur souplesse. » Je me crois dispensé de combattre une supposition aussi gratuite.

APPELLATION  NATIONALE  DES BASQUES = LES EUSCALDUNAC=

Les Basques appartiennent bien certainement à la famille ibériennc. Leur persistance opiniâtre à défendre leurs mœurs contre toute influence étrangère, les soins qu'ils ont pris à conserver leur langue au milieu des changements qui se sont accomplis autour d'eux, en ont fait un peuple vraiment à part. — Leur nom est une corruption de celui de Gascons (Vascongados), Vascons, Vascœi, qui envahirent la Novempopulanie l'an 542 de notre ère. Bien que de Humboldt le dérive de Basoa, forêt, d'où Basoca (basque, hommes des forêts), nous persistons à le rapporter à l'étymologie précitée.

Les Basques se nomment entre eux les Euscaldunac; ils appellent leur langue Euscara ou Escua, la langue des Eusks.

On a toi'turé inutilement ce mot sous prétexte de l'expliquer: je vais fournir les deux sens qu'on lui a attribués : le premier le tire du latin œsculum, espèce de chêne dont on mange le gland; les Basques auraient été ninsi surnommés de la coutume qu'ils avaient de s'en nourrir. — La seconde explication appartient à M. Iharce, elle ne me semble pas meilleure :.« Escualdunac, dit-il, est formé de trois mois basques : escu, main; aide, favorable; dunac, ceux qui ont; c'est-à-dire nation qui a l'nmbidextérité. » J'ignore si les Basques ont goûté le compliment de leur compatriote.

Pour moi, il demeure évident que le nom patronymique Euscaldunac renferme dans sa première partie la racine eusc, commune A toutes les familles ibériennes; telle nous la retrouvons dans osci, les Osques; dans œqui, les Eques; les Eques d'Italie ne différaient point par leur nom ni des Equi des Pyrénées, ni des Osqui de la Garonne : toutes ces tribus prenaient le surnom de montagnards.

A la deuxième partie de l'appellation, aldunac ou saldnnuc, est accolée Ac, forme de pluralité dans la langue basque; il reste donc à.fournir l'explication de saldum ou aldun : je trouve ici l'occasion favorable d'exposer mon opinion sur Vorigme des Basques.

Un fait que personne ne contestera assurément, c'est que les peuples, comme les tribus, n'ont pas pris naissance simultanément, mais qu'ils se sont formés par des migrations successives, par des démembrements obligés, par des associations volontaires. Etait-il question de la tribu des Francs alors que B.omulus jetait les fondements de Home? Les Francs, comme les Allemands, comme les Bourguignons, étaient renfermés alors dans la grande tribu des Germains qui, à mesure qu'elle se multipliait, se fractionnait en tribus particulières. Pour les Francs, leur première apparition date de l'an 238 de notre ère ; voilà leur acte de naissance.

Il en a été de même de l'origine des tribus ibériennes; elles naquirent du moment, de la nécessité; c'est pour cela que les géographes latins nous fournissent sur les peuples de la grande Hespérie îles noms tout différents de ceux que nous donnent les historiens grecs. Si la race est antique, la tribu est récente.

Je rapporterais donc à une époque moins éloignée de nous la formation de la tribu basque. Je pencherais volontiers à croire qu'elle dut se constituer vers l'époque de la 2me guerre punique; alors que la Péninsule se vil menacée pour la pvcnrière fois d'une conquête totale par une nation étrangère. En présence de ce danger, les montagnards des Pyrénées occidentales auraient formé entre eux une sainte association dans le but d'empêcher l'ennemi de pénétrer dans leurs libres vallées. — Tel est du moins le sens le plus historique que l'on puisse donner à l'appellation toute nationale d'Euscaldunac.

L'histoire est pleine de ces héroïques fraternités dont les membres faisaient de prodigieux efforts pour s'entre-défendre et pour ne pas survivre à leur chef. Les Euscaldunac m'apparaissent comme une ligue de montagnards ibériens, formée dans le noble dessein de vivre en liberté: de là leur nom, qui signifie montagnards confédérés, chevaliers, dévoués, frères.

Je m'attache d'autant plus à cette opinion, que je rencontre chez la plupart des peuples primitifs de ces sortes de liens militaires qui produisaientde,beaux dévouements.— Exemples: En Espagne, Sertorius avait auprèsde lui pour sa garde particulière un corps de dévoués. — Chez les Gaulois nous trouvons une semblable institution sous le nom de brodeurde ou fraternité; le dévoué s'attache absolument à son patron, ne fait plus qu'un avec lui, il est près de lui ft la table du festin, près de lui dans le combat. — Même coutume chez les Germains dans l'organisation du compagnonnage(Comitatus) dont nous parle Tacite— Chez les Macédoniens : le corps des compagnons; chez les Thébains: le bataillon sacré. Chez les Perses : le corps des immortels. Tout le monde connaît l'héroïsme que les dévoués gaulois déployèrent pour leur brenn lors de la retraite de Delphes; le dévouement des trjis cents Fabius dans la guerre d'Etrurie; et et l'histoire de la célèbre légion du lin, chez les Samnites (1).

La même coutume se retrouvait chez les Eusks, comme l'atteste le passage suivant des Commentaires de César. — Crassus vient d'obliger la capitale des Sotiates'(2) à livrer ses armes. « Tandis que les nôtres, dit César, étaient attentifs à l'exécution du traité, d'un autre côté de la ville parut le général en chef, Adcantuannus, avec 600 dévoués (Cum DC Devolis), de ceux qu'ils appellent Soldures (quos illis soldurios appellant). Telle est la condition de ces braves: Ils jouissent de tous les biens de la vie avec ceux auxquels ils se sont consacrés par les liens de l'amitié ; si leur chef périt de mort violente, ils n'hésitent pas à partager son sort ou à se tuer eux-mêmes; et de mémoire d'hommes, il n'est pas arrivé qu'aucun de ceux qui s'étaient dévoués à la fortune d'un chef, refusât de mourir après lui (3). »

(Ij PluSarquo, Vie de Sertorivs. — Histoire d'Espagne, par M. Rome), 1839.

(2) Ville de l'Aquitaine, peut-être Sost (Hautes-Pyrénées,'.

(3) Livre m.

Ce nom de Soldurii, sous lequel le vainqueur des Gaulois désigne les dévoués d'Adcantuannus, n'est évidemment que la traduction de soldun ou saldun, mot de la langue escuara qui signifie dévoué, chevalier.

Ces associations de braves se concentrèrent dans les gorges des Pyrénées après l'occupation de la Gaule par les Romains, et y défendirent avec succès leur indépendance contre les conquérants. Ce furent les fils de ces Euscaldunac qui anéantirent le corps d'armée de Roland, ainsi que le raconte le vieux chant national d'Altabiçar, traduit du basque par M. de Montglave:

Un cri s'est élevé

Du milieu des montagnes des Escaldunac.

Et l'Etcheco-Joana, debout devant sa porte,

A ouvert l'oreille et a dit :  Qui va là? que me veut-on ?

Et le chien, qui dormait aux pieds de son maître,

S'est levé et a rempli les environs d'Altabicar de ses aboiements.

(Le chant d'Altabicar )

MŒURS DES IBÈRES - LANGUE DES BASQUES MOEURS DES IBÈRES:

Je terminerai ce travail par quelques renseignements précieux, échappés aux Anciens, sur les mœurs des tribus ibériennes, et par quelques détails sur la langue basque.

L'habitant de la chaîne occidentale des Pyrénées a retenu les grands traits physiologiques qui caractérisaient la race des Ibères, telle que nous la dépeignent les écrivains de la Grèce et de l'Italie.

1° SUPERSTITION:

Les Ibères étaient d'une superstition sans égale : ils adoraient une divinité dont ils célébraient la fête vers la pleine lune en exécutant des danses devant leurs maisons. Ce dieu se nommait Endo ou Endega. On retrouve son nom dans plusieurs appellations géographiques de-la Péninsule : Endomendia, Indaganeta, Indigètes, Indibilis. — On lit sur plusieurs inscriptions: Enco-vollicus, Endo-bollicus, le Dieu Endo (bal, Dieu.) — Dans nos villages pyrénéens, on rencontre Endaye, Endou, Mendy, Mendibieu, etc.

La superstition des Vascons n'était pas moins connue que celle îles Toscans. Les prêtres de ceux-ci remplissaient à Rome les fonctions d'augures et d'aruspices. Aussi tous les termes de la science augurale paraissaient dériver de leur nom. — Ex : oscines désignent les oiseaux sacrés et les augures que l'on en tire; (isctim une chose sacrée; oscilœ leges, les lois religieuses; oscen, toute| espèce d'oiseau de présage; oscnm tripudiuin, l'augure tii'é de l'avidité avec laquelle les poulets mangent leurgrain; osca Ut laine sacrée. Les choses saintes et religieuses sont appelées obscena veiopscena-r le lieu oùse tient l'augure se nomme tuesca; le temple tesca; les formes pieuses tescœ; les espaces célestes tesca. — Les jeux -introduits par les Osques s'appelant Indi Atettani vel oscum ludicrum (1).

Nos montagnards des Pyrénées ont hérité de leurs pères sous ce rapport. Il est difficile de rencontrer des gens plus superstitieux: ils croient à l'intervention fréquente du diable dans leurs affaires, à l'apparition des esprits, à la science prophétique des sorcières. .

2° TRAITS  PHYSIOLOGIQUES:

L'Ibère avait une taille médiocre, vigoureuse, des épaules larges, des jarrets de fer, le teint basané. — L'histoire dépeint les Gantabres, dit M. Alex, de La Borde, comme gens agiles, robustes, ayant un génie féroce, ne connaissant point l'argent, dotant les femmes qu'ils épousaient, remplis de constance et de fermeté, se raidissant contre les obstacles, affrontant tous les dangers, supportant les fatigues et les travaux.

Les Lusitani étaient versés dans l'art de tendre des piéges, légers à la course, versatiles dans les affaires : leurs chevaux étaient si rapides qu'on les disait fils du vent; pleins de valeur, dédaignant l'agriculture, se livrant au brigandage, frugals, ne s'habillant que de noir. (2)

(1) Festus Pomp., vin, Paulus, Varron, m- — Annales des pontifes. —Tur. Vii-tor. Nrevius. — Lampride, Vie d'Alexandre. — Mémoire de l'Acad. des inscriptions.

(2) Strabon, Festus Av., Silvlus Italiens, Florus, ni.

La sobriété des Ibères passait aux yeux des Grecs pour de l'avarice : ils plaisantaient ce peuple, possesseur de mines d'or et d'argent, buvant de l'eau pure, faisant un seul repas afin de se vêtir plus richement (1).

Les tribus des Pyrénées avaient acquis une juste réputation pour leur habileté a lancer les pierres avec la fronde, à gravir les rocs escarpés, à poursuivre les bêtes fauves sur les crètes les plus élevées. — Les défilés de leurs montagnes étaient redoutés des soldats; malheur à ceux qui s'y engagaient; car ils se voyaient assaillis par des ennemis invisibles qui les accablaient de cailloux et de traits; les héros de tous les âges y laissèrent de leur sang : Hercule, Annibal, Pompée, Roland. — Dans les dangers, le souvenir d'une origine commune ralliait les peuples cles deux versants : les saintes fraternités se reformaient. « Si les tribus du versant gaulois sont attaquées, dit César, aussitôt celles du versant espagnol accourent les défendre (2).-» Au moyenâge, les comtes de Comminges, de Toulouse, de Foix, de Carcassonne trouvèrent contre le roi de France des alliés dans les Aragonaiset les Navarrais.

La plupart de ces traits caractéristiques conviennent aux Basques modernes : — même force, même agilité, même astuce, même frugalité. « Les peuples du Béarn, écrit un géographe du xvne siècle, sont fiers et rusés; l'on tient qu'il ne faut pas s'y fier. car le commun proverbe dit, Béarnais, faux et courtois (3). » J-'i les Cantabres ont défendu pendant longtemps leurs libertés contre les Romains:

Servit Hispaniae vêtus hostis or Cantaber, sera domitus catemi.

Horace, ni.

les Basques n'ont-ils pas défendu leurs wmw jusqu'à nos jours? Nous rencontrons chez les habitants de la Péninsule ce penchant vers la vie isolée que signalait le Grec Hérodore. « Les Batuescas, peuplade du royaume de Léon, à H lieues de Salamanqne, vivent tellement isolés qu'au siècle dernier, l'opinion courut qu'on venait de les découvrir. Les Vaqueras, qui habitent les Asturies et les Maragatos qui demeurent près d'A.storga (Vieille-Castille), gardent un isolement avec les autres familles ; ils ne s'allient qu'entre eux, et méprisent ce qui n'est pas de leur sang. Voilà bien de vrais Ibères, dont du reste, ils conservent le costume tel qu'il est représenté sur les médailles frappées par Carthaginois (1). »

Les femmes de la Biscaye conservaient encore au xvi" siècle la coiffure jaune et rouge, tournée en forme de turban, telle que la portaient les anciennes Cantabres ; — encore aujourd'hui, les femmes des Pyrénées occidentales roulent avec une gracieuse coquetterie autour de leurs cheveux un mouchoir disposé d'une manière semblable; et lé berret, dont se couvrent les hommes, remonte aux temps les plus reculés.

(1) Etienne de Byzance, Philarque, vin, Apud Phot.

(2) Silvius Italicus, César, ni, Orose, iv.

(3) Saint Maurice. Tableau des provinces de France. 1664.

3° Coutumes.

Parmi les coutumes des familles ibériennes, il y en avait de très singulières : les Cantabres se mettaient au lit lorsque leurs femmes accouchaient et se faisaient .servir par elles (2). usage que l'on retrouve encore chez les Peaux-Rouges et chez quelques tribus d'Afrique. Même bizarrerie en Corse (3) ; etSénëque dans son exil put observer les similitudes de vêtements, de mœurs, de langage, qui existaient entre les habitants de l'île et les Cantabres (4). Lorsque Euxène, chef les Phocéens, aborda en Ligurie, il fut reçu par Nanus, roi des Ségobriges, qui mariait alors sa fille Gyptis. Suivant la coutume ibérienne (5), la jeune fille devait se montrer à la fin du repas et présenter une coupe au convive qu'elle choisissait comme époux. Même coutume chez les Ségobriges d'Espagne.

Les habitants du Languedoc se servent aujourd'hui d'une sorte de doloire dite par eux assados aissados, qui n'est autre que Vascia des Toscans, telle qu'on la voit sur les monuments funéraires de la Gaule méridionale et de l'Italie.

Enfin, je signalerai comme le fait le plus original, une coutume commune tout à la fois aux Cantabres, aux Herniques de l'Italie et aux Etoliens, Denys d'Halycarnasse raconte que les Herniques, nation pélasgique suivant son opinion, avaient l'habitude de marcher au combat un pied nu et l'autre chaussé. Virgile rappelle cet usage dans ces vers:

Vestigia nudn sinistri

Instituéra pedis, crudus tegit altera pero.

OEneide, vu. 689.

(1) Alexandre de La Borde.

(2) Strabon, m.

(3) Diodore, v.

(4) Ad. Helv.

(5) Justin, Xliii.

II est remarquable que ce même usage se retrouvait au xvie siècle en Biscaye, comme nous l'atteste un vieil auteur de la Péninsule :« La population de Garnica, ville de Biscaye, est fort ancienne : les uns la croient grecque, d'autres hernique, c'est-à-dire pélasge. C'est là où les corrégidores de Biscaye sont reçus et nommés ; c'est là où les rois Ferdinand le Catholique et don Enriquez, réunis aux seigneurs du lieu, jurèrent, un pied déchaussé  Icsfuérosou priviléges de la province l'an 1476(2). »

Plus loin, l'auteur revenant sur la même coutume, ajoute: « II est notoire que sous les rois glorieux de Castille et sous leurs prédécesseurs, les seigneurs de Biscaye avaient coutume de jurer leurs faéros et priviléges avec un pied déchaussé, sous un arbre de la ville de Guernica. Je crois que la plupart ignorent comment s'est introduite cette coutume, car elle est si ancienne que jamais personne n'a écrit sur son origine. On découvre, en se livrant aux recherches, que les Etoliens, nation grecque, avaient l'habitude d'aller à la guerre et de prêter serment avec un pied déchaussé, comme nous l'apprend Euripide dans Mêléagre. Les Herniques avaient le même usage que les habitants du canton de Guernica. »

Des parentés géographiques apparaissent entre le pays de Biscaye et celui des Berniques : en Biscaye, on trouvait la ville de Guernica, l'arbre de Garnica, la montagne A'Hernia, autrefois Ernio (3), la ville A'Hemoia, prise par Auguste pendant la guerre de Cantabrie (4); dans le GuipuAcoa : Hernani. Or, toutes ces appellations sont des variantes de Hernicus, le g se perdant quelquefois dans la prononciation espagnole.

Les Herniques habitaient les rochers de l'Apennin : Hernica saxa colunt (5); de là leur nom, q,ui signifie ceux gui habitent les montagnes pierreuses. Herna,. en sabin, veut dire pierre, comme nous en avertit un commentateur de Virgile (6).

Je suis d'avis de reconnaître, dans la coutume que les Herniques, les Etoliens, les Cantabres, avaient de se montrer en public avec un pied déchaussé, une certaine parenté d'origine entre les familles ibérienne et pélasgique; car les Herniques sont une colonie de Sabins, et ceux-ci sont de race laconienne (pélasgique), comme l'affirme Plutarqueil). Je comprends alors pourquoi Strabon (2) avançait que les Cantabres étaient d'origine laconienne, et je ne m'étonne plus de ce qu'il remarquait que les Raslules et les Bastitans contractaient le mariage sui vaut les usages de la Grèce. Je ferai observer que deux tribus cantabriques portaient des noms grecs; savoir : les Ostrigènes cl les Origènes, appellations qui traduisent littéralement le mot eusc. Ces rapports entre les Ibères et les Pclasges portaient un savant d'Allemagne à supposer que les premiers se servaient parfois des caractères des seconds : H os nobis compertum est, non est certum tamen, Iberos litteris grœcis interdam uti (3).

4° Langue:

(1) Conel un pié descalco.

(2) Andres de Poça. Billrno, 1587.

(3; La monlana Hierno que aora Maman Krnioa. A fie Poça.

(4) Suétone, xx.

(5) OEin'ide, vin, v. 683.

16) Sabinorum iingua saxa Hernie vocantur. Quidam dux magnvs Salnnos desuis locis elicuit, et liabitare secum fecit saxosis in montilnis; unde dicta sunt Hernica loca et populi Hernici (Servi us Maurus Honoratus).
La langue des Ibères se rattachait au rameau finnois et au rameau caucaso-scytliique.
Le basque en est un dialecte, comme le bas-breton l'est du gaélique ; c'est l'opinion des savants modernes, de Bouterweck, d'Adelung, de Humboldt; c'était également celle de beaucoup d'écrivains des temps passés '4).

On ne peut nier que Vibèrien n'ait servi dans une certaine proportion à la formation de la langue de la Péninsule. « Les Espagnols, remarque un grammairien, ont conservé beaucoup de mots de la langue qui leur était naturelle avant que leur pays eût été subjugué par les Romains, c'est-à-dire de celle que nous voyons encore aujourd'hui dans la Biscaye, dans le Béarn et aux environs des Pyrénées, tant deçà que delà (5).

M. Maury a résumé, dans son beau livre : La Terre et l'Homme (6), tout ce que la science moderne est parvenue à dire sur l'origine de la langue basque; je ne crois pas mieux faire que de citer le passage in extenso:

« A la famille des langues d'agglutination se rattache la langue euscarie ou basque, actuellement confinée dans un petit espace compris entre l'Ebre et le golfe de Biscaye. Cette langue, réduite aujourd'hui presque à la condition de patois, comprend trois dialectes : celui du pays de Labour ou Labortan, celui de Biscaye et de Guipuscoa.

tin des caractères fondamentaux du basque, c'est la force que conserve le principe d'agglutination; un auU'e caractère, c'est que la déclinaison s'effectue a l'aide de postposition; comme dans les langues ougro-tarlares, la conjugaison du verbe basque rappelle également celle des langues tartares, mais elle la dépasse également en richesse, et cette richesse dénote un degré de développement, indice d'une longue existence nationale ou tout au moins de race. Chaque verbe présente huit voix, c'est-à-dire huit formes indiquant la diversité des états : l'état actif, passif, réfléchi, mixte, etc. Chaque voix renferme plusieurs conjugaisons, et le nombre de celles-ci s'élève à 206. Mais le verbe basque, en même temps qu'il ressemble au verbe ougro-tartare, présente une extrême analogie avec celui des langues américaines. Cette analogie n'est pas la seule qui rattache ces dernières langues au basque : on y observe la même manière de composer les mots de toute espèce. Le basque supprime souvent des syllabes entières en composant les mots; il n'en conserve quelquefois qu'une seule lettre dans le mot composé.— Exemple : od-otsa, tonnerre, se compose de odeia, bruit, el otsa, nuage ; ou-g-atza, mamelle de la femme, composée de aura, eau ou liquide quelconque, et atza, doigt, rayon d'une roue, et en général corps long, proéminent.

« La langue euscarienne apparaît comme un -chaînon qui lie la famille américaine à la famille ougro-tartare; et ce qui le confirme, c'est que des particularités toutes spéciales sont communes au basque et à quelques-uns des idiomes qui se parlent depuis le nord de la Suède jusqu'à l'extrémité du Kamtschatka, depuis la Hongrie jusqu'au Japon. Tel est d'abord le pluriel ak, dérivé de la terminaison en a des substantifs au singulier. Tel est ensuite le principe euphonique : le basque se distingue, en effet, par une harmonie de vocalisation qui s'oppose au concours d'un grand nombre de consonnes ; la plupart de ces consonnes sont légèrement aspirées.

« Les recherches de G. de Humboldt ont fait voir que la langue euscarienne s'était jadis étendue jusqu'à'l'extrémité de FKspagne, et qu'elle avait été parlée aussi dans le midi de la Gaule. Ainsi, elle était répandue dans la contrée occupée précisément par les Ibères, dont elle devait être la langue. Le nom des lieux, des rivières les plus anciennes de la Ligurie, de la Corse, de la Sardaigne, et jusque de la Sicile, appartiennent par leur étymologie à ce même idiome, et l'on retrouve même çù et là en Italie quelques dénominations qui paraissent être dérivées de radicaux basques. La langue euscarienne a donc primitivement occupé tout le sud-ouest de l'Europe, et elle fut à peu près dépossédée par le celte et le latin. »

Le basque, par sa forme grammaticale, tient aux langues caucasiques : il est harmonieux comme toutes les langues scythiqueset dravidiennes. Cette sonorité, celte douceur frappaient Scaliger, savant écrivain du xvie siècle: « Dans le basque, rien de barbare, rien d'aspiré ; tout, au contraire, est doux et agréable (1).

Je pourrais citer comme exemple de cette suavité mélodieuse des appellations géographiques telles que : Bizanos, Accous, Pizilla, Douze, Midouze, etc , qui contrastent avec la rudesse des noms bas- bretons : Plougrescant, Plogoff, Lanleff, Carhaix, Scaer, Cloars-Carnohet, etc. (2).



(I) Vie de Numa.

('2) Uvre m, Passim.

(3) Introductio in Orientent. A. Pfeiller. léna, 1744.

(4) La langue basque, qui est la même que l'ancien espagnol, avait jadis se.s lettres et ea ratières propres pour écrire; ce dont il nous reste quelques vestiges dans les anciennes médailles indiquées par A. Augustin, au dialogue vin de son Traité des médailles, et par Vincentio Juan de Lastanosa en son livre intitulé : Museo de las medallas disconidas. — JVof. Vase. Oihenart.

(5) Méthode espagnole ileTriany. Paris, 1660. (0) Paris, 1857.

CONCLUSION:

Les deux dernières parties de ce mémoire me conduisent à établir:

1° Que la tribu basque, dite les Euscaldunac, s'est formée vers la fin du ine siècle avant notre ère;

2° Que cette tribu est un démembrement de la famille ibérienne;

3° Que la langue basque ou euscarienne est une véritable langue caucasique, c'est-,à-dire mixte, qui s'est constituée du mélange de plusieurs idiomes parlés dans la chaîne du Caucase par les diverses races qui s'y rencontrèrent. Car par la déclinaison et la conjugaison, le basque se rapproche et des langues ougro-tartares et du rameau caucaso-scythique; par le verbe et la structure des mots, il présente des analogies avec les dialectes américains; par les dénominations géographiques, il tient aux Jangues iraniennes; enfin, il garde dans son dictionnaire une foule de mots pélasges, grecs, latins. On peut se convaincre, par le tableau ci-dessous, de ses rapports avec cette dernière langue:

BASQUE LATIN:

Dolua Dolor.

Iferma Infernum.

Eliça Ecclesia.

Cerratcea: Serra.

Inbidia Invidia.

Escribatcea Scribere.

Aditcea Audire.

Besta Festum.

Sux Lux.

Superra Superbus.

Picoa Picus.

Flaquadurra Flaccidus.

Cenicoa,  Cœruleus.

Helgala Ala.

Gortea Curia.

Amodia Amor.

Estalcea Calceare.

Airea Aer.

Cahutcea Culta.

Arragatcea Irrigare.

Akerra Caper.

Eslaboa Servus.

Uria i Urbs.

Gathena Catena.

Olina Oleum.

Ansara Anser.

Fagua Fagus.

Lupua , Lupus.

Tulubioa Detubrium.

Lorea Flos

Arima Anima.

4° Enfin, que cette langue basque avait été originairement entendue par tous les habitants de la Péninsule (1).

(1) Era mucho mos verisimil que la lengua vascongada cra la originaria y matria de Espana.

— Annales de Navarrf. J. Moret,

Tels sont donc les Basques, vieux peuple des temps primitifs, assis fièrement sur ses Pyrénées, ayant pleine conscience de son antique origine, lin prince deTingri, du sang des Montmorency, vantait un jour, en présence d'un etcheco-yoana (maître de maison), l'ancienneté de sa famille, qui remontait à plusieurs siècles. L'etcheco l'écouta en silence ; puis lorsqu'il eut achevé, il se tourna vers lui : « Nous autres Basques, dit-il gravement, nous ne datons plus. »

( l; .Vt/ii'J burbiiri aut stridorisaut anhelilûs habet. Lenissima et suavissima. estque sine dubio retustissima, et ante tempora Romanorum in Mis finibus in usu erat.

 — (De dialectis Galiiœ.)

(2) Consulter sur la langue basque: Hcrvaz.

— Novum Tcstamentum, par Jean Licarragua. La Rochelle, 1571.

— Varie de lingue Gascogne, par Larramandi.

— Grammaire basque de l'Ecluse.

 —Grammaire escuara, par Harriet. Bayonnc, 1741.

— Francisque Michel. Diverses publications sur les Basques.

— Histoire de la poesie et de l'éloquence depuis le vur siècle. Hontenveck, 1801.

— Mithridates, ou tableau universel des langues, par Adelung, 1806

— Essai sur les anciennes populations de l'Espagne, par de Humholdt.

— Voyage archéologique et historique dans l'ancien royaume de Navarre, dans le pays Basque, etc., par M. Cénac-Moncaut, 1857.

(1) Varron. Apud Plinium, ni.

 — Bullet. Mémoire sur la langue celtique.

(2) Traité des mines, par don Alonzo Cnrillo Lazo.

(3) Espagna ne s'éloigne pas du mot persan Ispahan (en latin Aspadana.

(4) Strabon, livre m.

(5) Comités KaÏ Cunétés .

(6) Glétés.

0) Tartessioî.



        =FIN=

 

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